Pour une énième fois l’écrivaine pluridisciplinaire s’inspire d’œuvres picturales pour créer. L’exposition des huit tableaux de Suzon Demers intitulée La costumière costumée a fait germer une fiction dans l’imagination de la romancière.
Deux personnages se sont d’abord imposés à elle, une couturière, la narratrice, et une comédienne. Clarisse et Éva son alors nées. L’une, trente-neuf ans, mariée, discrète et sans histoire, l’autre vingt-sept ans, mariée, ambitieuse, pétillante et ensorceleuse.
Quant s’amorce le récit, les deux femmes ont tissé un lien depuis un mois déjà. Éva était venue demander avec insistance à Clarisse de lui confectionner un costume unique pour la pièce de théâtre qu’elle répète et dont elle est la vedette dans le rôle de Chérie. Demande insistante, car Clarisse, habituée à confectionner des rideaux, faire des retouches, coudre des ourlets de jupes ou de pantalons, ne se voit pas en Coco Chanel. D’ailleurs, comment Éva a-t-elle pu entendre parler d’elle ? L’enjôleuse Éva vient à bout des hésitations de la couturière. Dès la première rencontre le courant passe entre les deux femmes qui, aussi différentes qu’elles soient, deviennent des amies.
Un suspense s’installe presque aussitôt. Éva, qui ne tarissait pas d’éloges pour la robe confectionnée par Clarisse, laquelle deviendrait célèbre à coup sûr, débarque un bon matin, insatisfaite, passant du « tu » de l’amie au « vous » froid de la cliente : la robe lui irriterait le cou. Caprice aux yeux de son amie prête à céder, en apparence seulement, car il s’avérera que la robe non retouchée lui va parfaitement. D’autres manigances de la comédienne viendront secouer la couturière, qui se demande si Éva joue la carte de la tragédienne ou de la bouffonne. À ses moments de folie, succède le retour à sa nature espiègle, tendre et amicale, ce qui ébranle Clarisse. Jusqu’à ce qu’Éva devienne envahissante au point que son amie en a assez, mais comment s’en débarrasser sans la blesser ? L’histoire connaît une issue tragique, mais pas de celles que l’on pourrait soupçonner.
Sept nuits dans la vie de chérie plaît avec son histoire bien ficelée agrémentée des huit tableaux qui l’ont inspirée. La Franco-Ontarienne, bien connue au Canada pour son œuvre en littérature orale et écrite, se révèle une conteuse éprouvée. Elle sait ménager les effets et soutenir l’intérêt du lecteur, ce à quoi concourent tout autant une écriture fluide, dynamique, rythmée et de courts chapitres coiffés d’un titre évocateur.