Troisième roman de Éric McComber après Antarctique (2002) et La mort au corps (2005), Sans connaissance est le premier à paraître chez un éditeur d’outre-mer. Le livre raconte l’enfance et les premières années de vie adulte d’Émile Duncan, un rocker ivrogne, entre Montréal-Nord et le Plateau Mont-Royal. Son enfance est à la dure : McComber ne cesse de rapporter des affrontements d’une brutalité inouïe entre des enfants associés très tôt à des bandes rivales. Par endroits, on croirait lire une version « trash » de La guerre des boutons. Puis, la vie adulte de Duncan tient en quatre mots : sexe, alcool, rock’n’roll et baby-foot. Le sexe, plus particulièrement, prédomine longtemps, si bien qu’on finit par se demander ce qu’il resterait du récit si l’on y retranchait tous les passages où Duncan satisfait sa libido.
McComber possède d’indéniables dons de conteur. La brièveté des chapitres y joue pour beaucoup, car il émane de Sans connaissance un rythme accéléré et enjôleur. Mais il y a du tape-à-l’œil et des maladresses dans ce roman. Par exemple, l’incipit ouvre une voie prometteuse : « Si je me souviens bien, la première fois que mon père tente de me tuer, c’est au parc Saint-Laurent ». Or malheureusement, si l’on peut dire, ce meurtre raté n’est suivi d’aucune autre tentative du genre. La quatrième de couverture annonce dans Sans connaissance une « réinvention du joual » : cette affirmation est un leurre. McComber louvoie longtemps entre le registre vulgaire et des termes d’argot français, qui jurent avec l’ensemble. Souvent, il abuse d’une tendance à modifier l’orthographe des mots pour les rendre plus proches de la vie oiseuse de ses antihéros peu sympathiques ; ça devient agaçant. Peut-être l’auteur espère-t-il épater les cousins français, comme le suggère l’insertion, en fin de roman, d’un « Ti-crisse de glossaire » ? Contrairement aux romans de Henry Miller, qui, s’il n’est guère mentionné, demeure l’une des inspirations majeures ici, l’éloge implicite de la littérature rate sa cible. Ainsi, les passages où Duncan « découvre » la littérature, comme lorsqu’il lit La nausée tout en déféquant ou lorsqu’il s’assoupit sur Milan Kundera. On notera, en revanche, une apparition de Jean Leloup à la hauteur du personnage tel qu’on le connaissait au tournant des années 1980 et 1990. Bref, voilà un roman qui a de la poigne, mais qui ne mettra personne K.-O.