Ce nouveau roman de Stephen King renoue avec sa réflexion sur l’écriture et l’horreur amorçée avec Misery (Albin Michel, 1989) et poursuivie dans La part des ténèbres (Albin Michel, 1990). Avec ces deux romans, c’est l’acte même d’écrire qu’il interroge ou, plutôt, l’horreur pouvant subitement surgir de l’écriture. Dans un cas, un écrivain — voulant mettre un terme à l’existence de son héroïne —, est séquestré par une cinglée qui l’oblige à écrire sous peine de le mutiler jusqu’à ce qu’il en meure. Dans le second cas, un écrivain veut détruire son pseudonyme et celui-ci se met à exister, à devenir dangereux…
Dans Sac d’os, Michael Noonan — écrivain de quarante ans, coté dans le genre « Thriller » —, perd subitement sa femme : l’événement fera basculer son existence. L’auteur traverse en effet l’épreuve dite du « blocage de l’écrivain ». Stephen King en profite pour montrer comment les éditeurs, les agents littéraires et les critiques peuvent s’acharner — tels des vautours — sur un écrivain recevant de bons droits d’auteurs… Noonan doit absolument produire, il en est incapable et il est harcelé par la machine littéraire américaine. Mais il y a plus, et là le fantastique intervient. Mike est hanté, dans ses rêves, par le spectre de sa femme. Afin de mettre fin à ces affreux cauchemars, d’exorciser ses nuits, Noonan décide d’aller vivre dans sa maison de campagne, nommée Sara Laughs, située près de Castle Rock. C’est là qu’il terminait ses romans et fêtait l’événement avec sa compagne Johanna selon un rituel particulier. Mais Sara Laughs est une demeure hantée, comme l’hôtel Overlook de Shining ou Manderley, la maison de l’univers de Daphné du Maurier souvent évoquée dans ce livre. C’est là d’ailleurs qu’il fera une rencontre déterminante, qui entraîne notre écrivain dans une aventure plutôt tordue…
Stephen King est, ici, égal à lui-même : il nous raconte une histoire passablement abracadabrante, réussissant, par moments, à nous surprendre, à nous faire peur ! Il aurait cependant intérêt à être plus concis, à retrouver la manière de ses meilleurs romans tels Jessie (Albin Michel, 1993) ou Dolores Claiborne (Albin Michel, 1993). Disons cependant que, sans renouveler la littérature fantastique américaine, Stephen King contribue à la perpétuer correctement.