Professeur de littérature à l’Université du Québec à Montréal, auteur de monographies, de récits (Ruelles, jours ouvrables, 2005), de romans (Gésu retard, 1999) et de recueils de nouvelles (Carnet sur la fin d’un monde possible, 1992), André Carpentier propose, dans son dernier ouvrage, une étude de la nouvelle et du fantastique, deux genres qu’il connaît bien. Rarement étudiés de pair par les critiques, ces deux pratiques d’écriture, loin de se disjoindre, ont souvent été interreliées jusqu’à engendrer la tradition de la nouvelle fantastique. Pensons par exemple aux productions de Guy de Maupassant, d’Edgar Allan Poe André Carpentier va plus loin. Selon lui, « la nouvelle et le fantastique partagent une esthétique de la rupture – rupture de continuité dans un cas, de raison dans l’autre ». La pratique nouvellière est considérée comme une reprise infinie du bref, car, dans le recueil, le processus est sans cesse interrompu et relancé. Quant au fantastique, il met en scène une rupture de rationalité quand l’élément étrange vient rompre le fragile équilibre du monde réel. Ce motif de la rupture est étudié comme thème et comme exigence de forme à travers plusieurs nouvelles écrites, notamment, par Marie-José Thériault, Daniel Sernine, Jean-Pierre Girard
L’ouvrage est divisé en différents chapitres. Comme dans un recueil de nouvelles, le lecteur peut à loisir sauter d’un article à l’autre ou lire dans l’ordre. La première partie de l’essai s’intéresse à la nouvelle et, spécifiquement, à la dualité entre ce genre bref, autonome et le recueil qui regroupe plusieurs nouvelles et où la cotextualisation est inévitablement génératrice de sens. Dans la seconde partie, traitant du fantastique, André Carpentier étudie l’incipit et, particulièrement, le moment où le surnaturel ouvre une brèche dans le principe de rationalité. Il explicite aussi la représentation de l’espace, hautement significative, en s’appuyant sur la réflexion de Louis Vax, selon qui « l’espace fantastique est une variété de l’espace vécu ». Pour finir, l’auteur aborde la triple marginalité des nouvelliers fantastiques québécois, évoquant « le peu d’intérêt souligné par la nouvelle littéraire en France » et celui « d’assez faible intensité accordé au genre fantastique ».
En somme, l’ouvrage d’André Carpentier s’adresse à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la nouvelle, au fantastique, et à ce que ces deux pratiques ont de commun, soit la rupture comme élément structurant et comme thème.