À l’ère de la mondialisation et du pluralisme, l’étude du voyage dans la littérature constitue un excellent moyen pour aborder les questions d’altérité et d’identité culturelle, pour comprendre quels rapports produit la rencontre de la différence et surtout pour observer quelles formes d’arrangements il en résulte. L’ouvrage collectif Romans de la route et voyages identitaires regroupe justement différentes études qui s’intéressent à ces questions. La première partie est composée de six textes qui traitent de diverses manifestations romanesques et filmiques du voyage identitaire au Québec. On y décrit notamment comment des romanciers québécois (Jacques Poulin, Guillaume Vigneault, etc.), des cinéastes (Denis Villeneuve, Ricardo Trogi, etc.), une auteure de littérature au féminin (Nicole Brossard), une autre de littérature jeunesse (Michèle Martineau) et des écrivains migrants (Ying Chen, Dany Laferrière et Régine Robin) ont tenté d’adapter à leur manière les modèles américains des road books ou des road movies, pour ainsi parvenir à « conjuguer, positivement, leur américanité et leur québécitude », ou encore à interroger l’étroit « rapport entre le voyage, la migrance et l’écriture ».
La seconde partie de l’ouvrage propose un parcours d’est en ouest, de l’Acadie jusqu’à l’Alberta, des écrivains canadiens de langue française (Antonine Maillet, Maurice Henrie, Gabrielle Roy, J.R. Léveillé, Marguerite-A. Primeau et Nancy Huston) qui ont abordé dans leurs œuvres la thématique du voyage identitaire. Si chez certains de ces auteurs le voyage témoigne d’un refus « de composer avec l’espace de l’Amérique », « devenue l’espace d’une indistinction fondamentale » menaçante pour l’identité collective, chez d’autres il est l’occasion de mettre en scène des personnages (féminins et métis notamment) en quête d’un « renouveau identitaire » et d’une certaine liberté individuelle à l’égard des stéréotypes et des contraintes sociales. Chez d’autres encore « l’écriture des déplacements identitaires s’avère avant tout la célébration de l’imagination, de l’art en général et de l’écriture en particulier ».
Enfin, la dernière partie de l’ouvrage réunit trois textes dont l’un porte sur le cosmopolitisme de Jack Kerouac, le second sur les cybermnésies de Régine Robin et le troisième sur « la légitimation des déplacements géo-symboliques ». Il y aurait beaucoup à dire sur ces trois dernières études qui tentent de relancer dans des « voies encore impensées » la recherche sur les romans de la route et les voyages identitaires, entre autres sur leur façon de revisiter les « paradigmes de la modernité » à l’origine « de nombreux stéréotypes » et sur la possibilité qu’ils offrent « d’accéder à la richesse de différentes expériences culturelles ».