Le roman et le récit de voyage sont généralement considérés comme des genres opposés. Alors que le premier relève de la fiction, le second se réclame plutôt du réel. À près, toutefois, on se rend compte que l’un et l’autre procèdent à des échanges réciproques. L’ouvrage collectif Roman et Récit de voyage nous convie précisément à examiner comment les deux « genres se contaminent, au point que la confusion parfois s’instaure ». Les 22 articles qui le composent sont regroupés en trois sections. La première partie, « Le monde et les fables », aborde, sur un plan historique, différentes formes d’interférences entre fiction et référence. On apprend notamment que dès l’Antiquité, « la fiction se nourrit du récit de voyage, et arbore grâce à lui, une légitime spécificité. En retour, elle permet au voyageur-écrivain de représenter une expérience personnelle ». On apprend également qu’à diverses époques, « l’écriture du voyage oscille entre réalité et imagination, et que cette oscillation est volontaire en tant qu’elle relève d’une véritable poétique entremêlant les règles viatiques et les procédés romanesques ». Évidemment, la part de l’imaginaire dans les récits de voyage «n’est évidemment pas assumée de la même manière au fil des époques, car le regard change et le monde parcouru avec lui». La deuxième partie de l’ouvrage, « Romancier et auteur de voyage », réunit des analyses qui comparent les romans (ou les nouvelles) et les textes de voyage d’un même auteur en tentant de mettre au jour les différences ou les similitudes de ces deux écritures. Les écrits de l’abbé Prévost, de George Sand, de Théophile Gautier, de Jules Verne, de Guy de Maupassant, de Gaston Leroux, de Georges Simenon et de Jean-Marie Le Clézio sont tour à tour convoqués afin d’illustrer les corrélations. Enfin, la troisième section, « Raconter l’aventure et décrire l’ailleurs », porte plus spécifiquement sur les procédés, notamment la description et la narration, propres aux deux pratiques d’écriture. L’analyse, entre autres, de certains écrits de Chateaubriand révèle que si la fiction « récrit volontiers le donné du voyage dans le sens d’une plus grande tension dramatique », le récit de voyage fait également appel à divers procédés narratifs destinés à mettre en intrigue le descriptif. En outre, « la structure minimale du genre Voyage (départ, découverte d’un ailleurs, retour) informe le genre romanesque lequel fait à son tour intervenir bien souvent les notions de quête, d’initiation, d’aventure ou de découverte qui renvoient à la thématique des voyages ».
Bref, en révélant que « rien n’empêche la fiction narrative d’adopter l’allure du compte rendu, ni le Voyage de se parer des séductions de la fiction », l’ouvrage nous invite à reconsidérer les catégories génériques traditionnellement fondées sur une trop stricte opposition entre l’écriture référentielle et l’écriture fictionnelle.