Guide de Rome d’une main, liste des empereurs romains et byzantins de l’autre, aborder Roma Aeterna est exigeant. Le grand maître de la science-fiction Robert Silverberg réussit cependant son incursion dans le domaine de l’uchronie, en réécrivant et réinventant l’histoire.
N’en déplaise aux historiens purs et durs, Rome n’est pas tombée aux mains du barbare Odoacre en 476. Seule puissance régnante, elle gouverne le monde depuis 2758 ans, soit depuis sa fondation par Romulus en 753 avant J.-C., date à laquelle on ajoute 2005. Jeu de calcul qui du premier au dernier chapitre occupe le lecteur à la recherche de repères historiques.
Si Christophe Colomb, Léonard de Vinci ou Albert Einstein sont évacués du scénario, l’éternelle lutte entre les empires romains d’Occident et d’Orient ne l’est pas. Christ et Mahomet passent rapidement et meurent sans créer leurs religions monothéistes, éliminant du coup christianisme et islam. Un bien grand vide.
L’audace de l’auteur est parfois démentie lorsqu’il perpétue les partis pris sur les Latins ou les Grecs d’antan. Faustus le Romain confirme : « Nous disparaîtrons dans notre mollesse, notre confusion, notre amour fatal pour le plaisir et la facilité » et décrie les mœurs des gens de Constantinople « frottés des meilleures huiles, pommadés, bichonnés à la mode orientale. »
Dans cet univers parallèle, seuls les Juifs adorent « l’unique et véritable Dieu » et semblent détenir la vérité. Et si Moïse n’a pas réussi l’exode du Peuple élu hors d’Égypte, les Hébreux orchestrent toujours leur fuite loin du tyran qui a « étouffé l’humanité dans sa poigne bienveillante. »
Roma Aeterna est davantage une suite de dix nouvelles qu’un roman proprement dit. Pas de note ou de pénible référence académique pour alourdir le texte. La solide documentation donne toute sa crédibilité à cette oeuvre d’histoire-fiction.