Dans cette pièce de théâtre, Roger est un jeune homme de 27 ans qui deviendra électricien pour « payer sa van » alors que son père, député libéral, qui avait payé ses études universitaires en sciences politiques, aurait espéré de lui un brillant avenir dans son parti. Roger écrit son journal sur des pages blanches qu’il cache dans un Playboy. Souffrant d’une douleur à la poitrine, il doit apprendre à « vivre doucement ». Notre protagoniste aura un coup de foudre dans une mer de fils électriques. Annie, sa nouvelle flamme, une jeune fille extrêmement timide, se confie, quant à elle, à son four à micro-ondes. Dans une scène surréaliste particulièrement réussie, Annie, assise au restaurant avec Roger, devra faire face à ses peurs et à ses angoisses qui prendront forme, au fur et à mesure qu’elle les appréhendera. Roger, obnubilé par l’écran de télé derrière elle, tombera des nues lorsqu’elle s’éclipsera en courant. Il confie à sa sœur de douze ans, Sylvette, qu’il aurait bien aimé être un aventurier et faire ce qu’il avait envie de faire sans penser aux autres. Sa sœur lui lance une réplique savoureuse : « Arrête de me parler Roger. Je n’ai pas le goût de savoir comment c’est plate la vie d’adulte. Je vais attendre d’être une adulte ». Cette même sœur, qui lit « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust, va mourir d’ennui au milieu de la pièce, au cours d’une scène démesurée où le père convoque une réunion de famille pour faire un discours à son fils sur le « vrai travail ». Quant à Dina et Dani, deux jumeaux, personnages clownesques, ils ponctuent l’histoire à travers de petites capsules à saveur absurde, en attendant leur conception
On pense à Ionesco, à Boris Vian, à Samuel Beckett. En fait, c’est une jeune auteure de l’Acadie très prometteuse, dont on entendra probablement beaucoup parler sur nos scènes québécoises dans les années à venir. De son texte, à la fois touchant et drôle, émerge un style bien à elle. Dans un mélange d’absurde, de poésie, d’humour, elle nous invite à réfléchir sur la condition humaine, les troubles qu’apporte l’avènement de l’amour, les peurs profondes devant la solitude, l’abandon, l’avenir. Les angoisses existentielles sont exposées dans un humour décapant, soulignant la profondeur du propos. On sent la plume jeune, mais non moins mature, dardant ses pointes bien effilées sur nos multiples visages humains. À suivre.