Imprévisible et inépuisable François Barcelo ! À nous de profiter de sa verve et de son humour jaillissant, car peu d’auteurs parviennent aussi bien et aussi régulièrement à étonner, à dérouter, à faire rire ou sourire. Comme bien peu en sont capables, Barcelo subit sans broncher le test du regroupement de nouvelles : à la quinzième, le parcours est toujours inattendu, le piège aussi trompeur, les protagonistes aussi volontiers naïfs que retors ou cyniques. Tant pis pour les bonnes âmes si la victime est parfois plus bête que nature et si certains coupables s’en tirent glorieusement. L’écrivain n’est ni statisticien ni curé.
En fait, Barcelo ne lésine ni sur les décors ni sur la noirceur des âmes. Tel de ses héros (?) apprend à Rarotonga le prix d’un sandwich et celui de la bière, tel autre profite d’une tempête de neige pour abandonner une voiture pleine de cadavres embarrassants, telle actrice en panne de contrat est invitée à se suicider le vendredi 13 pour infléchir les statistiques… Il n’hésitera même pas – ne reculant devant aucun sacrifice – à nous livrer les ultimes pensées du ténor qui a puisé dans le répertoire italien une fois de trop au goût d’un groupe de motards. François Barcelo n’a que faire de la vraisemblance, de la logique, car il ment vrai et invente juste.
Ce recueil de nouvelles balaie sans effort deux décennies. Le texte le plus ancien date de 1983, le plus récent de 2004. Bien malin, cependant, qui décèlera fléchissement ou progression. Ceux et celles qui ont lu dès 1981 Agénor, Agénor, Agénor et Agénor savent que l’auteur a tôt accédé à la maturité du style ; ceux et celles qui le pistent depuis lors savent qu’il maîtrise aujourd’hui autant qu’il y a vingt-cinq ans l’art du récit rythmé, élégamment gavroche, toujours exempt de rectitude politique.