Quand Bernard Lamarche parle de Jean-Paul Riopelle, on sent la passion. D’autre part, on sent la méthode dans ses écrits, notamment dans le texte que publie le Musée des beaux-arts du Québec dans le catalogue de l’exposition Riopelle, Impression sans fin et que préface John R. Porter, directeur général du musée.
Jean-Paul Riopelle est un grand nom de la peinture québécoise, un grand artiste et donc une personnalité complexe. Complexe aussi est son œuvre, difficilement abordable dans un milieu où l’abstraction (il n’acceptait pas le terme) a du mal à prendre de l’importance par rapport à une tendance naturaliste. Pour accepter, d’abord, pour apprécier ensuite l’œuvre de Riopelle, il faut des outils. Le catalogue que signe Bernard Lamarche en est un, précieux, et le musée remplit bien son rôle en le mettant à la portée du public en accompagnement de cette exposition, pour le moins révélatrice.
La démarche de Bernard Lamarche passe par une observation lente et minutieuse du fonds Riopelle du musée qui contient la plus grande collection au monde d’estampes de l’artiste. Notez que Riopelle n’est pas un graveur. Il ne se familiarise avec la gravure qu’en 1966. Pourtant la gravure sera proposée comme clé pouvant nous ouvrir les portes de ce monde, de cette œuvre monumentale, déroutante mais combien fascinante, envoûtante même. Pourquoi ce choix, pourquoi les gravures exposées ont-elles été la voie qu’a empruntée Bernard Lamarche ?
La gravure vient confirmer le fait que Riopelle ne s’est jamais arrêté à une forme particulière. Chez lui, l’expérience est sans cesse renouvelée. La rapidité dans l’exécution, l’énergie apparaissent, par contre, comme une constante. Il défie la technique, défie les règles. Il recycle ses plaques, utilise les épreuves rejetées dans des assemblages et emploie des matériaux inattendus : des feuilles, du jute , s’inspire de tracés que proposent des jeux de ficelles. La forme vient remplacer l’informe avec le plus grand naturel. C’est du pareil au même, un même cheminement vers la nature et non pas parti de la nature. Dans les estampes des animaux que l’auteur a aimé observer habitent sans gêne un monde fait de lignes courtes, courbes, grasses, fines. Un monde de dessus et de dessous, de va et de vient, autant de choses qui permettent à l’artiste de « faire exister autrement ce qu’il voit, voudrait voir, ou ne voit plus, déjà ».
C’est sans doute ça la clé de l’œuvre de Jean-Paul Riopelle.