Le récit requérait un doigté constant. Il fallait, en effet, faire parler Gregory Lynn avec l’inquiétante rigueur d’un cerveau occupé par une seule idée, mais aussi avec la conscience réflexe que requiert l’œuvre littéraire. Gregory Lynn devait se voir et ne pas se voir, parler de lui comme un narrateur neutre doit le faire et vivre de l’intérieur son terrible déterminisme.
Quand ce grand garçon — « trente-cinq ans, orphelin, célibataire, fils unique depuis l’âge de quatre ans et demi » — profite de la mort de sa mère pour fouiller dans ses vieux documents et y découvre ses propres bulletins scolaires, le drame se met en branle. Ces bulletins, en effet, contiennent des évaluations et des remarques dont Gregory enfant n’avait pas été avisé. Plusieurs lui paraissent injustes, cruelles et bêtes. Il faut donc, et c’est la mission qui accapare Gregory, faire réviser ces annotations. On peut imaginer la suite.
La réussite de Martyn Bedford sera, sans bien sûr encourager les démarches de révision, de mettre en lumière la cruauté de ceux et de celles qui confondent éducation et bourrage de crâne. Pontifiants, blessants, plus gestionnaires de salles de cours qu’éveilleurs des intelligences, ces guichetiers de l’éducation n’ont-ils pas maltraité plus d’un Gregory ?