Des fragments de vie, voilà bien ce que raconte le roman Résidence Séquoia, du nom de la maison de retraite fictive où vit un microcosme de la société plurielle montréalaise. L’immigration, thème central des livres antérieurs de l’écrivaine à qui l’on doit notamment Le mirage canadien, revient en force dans ce roman choral.
La plupart des personnages sont venus d’ailleurs, enfants ou jeunes adultes, et ont refait leur vie à Montréal. Le récit de leur migration témoigne des bouleversements survenus au XXesiècle et de phénomènes plus récents. Maintenant âgés, seuls ou dépossédés, ils disent s’être résignés à la maison de retraite après avoir subi une épreuve ; deuil, incendie, maladie d’Alzheimer. Ceux qui ont des enfants sont nostalgiques du traitement réservé aux aînés dans leur pays natal.
Ils sont venus du sud de l’Italie pour sortir de la pauvreté, des favelas du Brésil pour trouver la liberté, loin de la promiscuité, de la Chine du temps de Mao trop dangereuse pour un scientifique reconnu, de l’Iran secoué par la révolution islamique. S’y retrouvent aussi Esther, la Polonaise juive dont on dit que le « corps était sorti vivant d’Auschwitz mais [que l’]âme avait été passée au four crématoire » et la centenaire Marguerite Aoun, mère de six enfants, que les souvenirs ramènent toujours au Liban de sa jeunesse qu’elle sait « devenu un tombeau à ciel ouvert ». Récits touchants dans lesquels s’intercalent les souffrances liées au machisme et à l’infériorisation des femmes, au rejet et à l’intimidation des homosexuels. La controverse autour du hidjab trouve aussi sa place avec l’Iranienne Shiraz. Parmi ces personnages, qui s’expriment dans un registre qui tient davantage de l’écrit que de l’oral, intervient ici et là un personnage caricatural, Paula, la « pure laine » dont la langue témoigne d’un déficit d’éducation. Envahissante, indiscrète, elle fouine, écoute aux portes et propage les nouvelles à tout venant.
Rachida M’Faddel a une belle plume. Le propos de son livre est sensible et touchant, quoiqu’un peu trop didactique par moments. Si le style est celui d’une écrivaine, la structure du roman, elle, montre des maladresses. Beaucoup de dialogues et de transitions servant à introduire l’histoire des personnages sont artificiels. Peut-être eût-il mieux valu de faire se succéder l’histoire de chacun en lui réservant un chapitre comme le suggère le sous-titre, Fragments de vie, car le récit de ce que comporte la vie en maison de retraite reste anecdotique et ne sert que de prétexte à la rencontre de personnages qui n’étaient pas destinés à se mêler dans la vie réelle.
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