Prix Alain-Grandbois 2010, Répit de Paul Bélanger gagne à être visité par l’intellect et demande une lecture attentive. Avis aux lecteurs qui aiment aborder nonchalamment les œuvres littéraires.
Bélanger livre un recueil qui témoigne d’un processus créateur dans un amalgame de courtes réflexions poétiques dénuées d’émotivité excessive. Répit est d’ailleurs annoncé, par les éditions du Noroît, comme « [u]n recueil qui interroge le monde [ ] pour que le lecteur s’interroge lui-même » Cela est très présent, comme si le plan d’écriture persistait, contribuant ainsi à créer une certaine distance avec l’œuvre. Il s’agit d’un processus intéressant, qui n’engage pas le lecteur émotivement, mais l’amène plutôt à réfléchir, comme le procédé de distanciation théâtrale de Brecht.
Nous trouvons une certaine homogénéité dans le style et les thèmes, mais aussi un peu de tout dans le traitement d’une langue maniée avec expérience et liberté. Un peu de tout, mais rien qui ne rende ce livre indispensable Jusqu’à ce que nous nous laissions prendre au jeu par le sous-titre Journal d’un poème. Il s’agit alors de relire le recueil en entier en nous imaginant que c’est un poème qui écrit son journal, et voilà que le plaisir de lire s’accentue grandement. C’est un peu comme si l’on chaussait des lunettes 3D afin que la magie opère. Sans ces lunettes, il nous reste des images décalées qui se superposent, entre lesquelles le lien est confus. L’excès de recherche dans le jumelage d’expressions que l’on voit rarement accolées, le bris volontaire des règles de ponctuation sans remplacement apparent d’un système personnel intrinsèque à l’œuvre poétique tout cela ne se voit justifié que lorsque nous nous glissons dans la peau d’un poème ; l’aspect créatif de la démarche l’emporte alors sur la logique. Sans cette voie, la voix de l’auteur nous apparaît floue. Le poète redéfinit à sa façon le rapport à la langue, n’en déplaise à ceux qui ont besoin d’une certaine logique pour se faire parler de vie et de mort, de quotidien et de beauté.
Paul Bélanger enseigne la création littéraire et a publié sept titres aux éditions du Noroît, où il est directeur littéraire. Notons que son recueil Origine des méridiens (2005) a été finaliste aux Prix du Gouverneur général.