Une fiction dont l’action se déroule en 1789, dans une petite ville du sud-ouest de la France ; contrairement aux apparences, ce n’est pas un roman historique. C’est une uchronie dont l’enjeu politique n’est pas les États généraux ni la Révolution française, mais la réforme de l’Église géminite. Défier l’histoire, c’est justement le propre de l’uchronie. Comme certains ont réécrit le Québec avec un référendum gagnant, Élisabeth Vonarburg a réécrit le monde avec la sœur jumelle de Jésus, Sophia.
Senso, Pierrino et Jiliane, qui n’ont de la magie qu’une idée vague, sont dès la première ligne confrontés à la « fenêtre-de-trop », laquelle n’est visible que d’un point de vue. Ensuite, ils découvrent la carte magique, puis leur grand-mère issue du pays qu’on désigne par là-bas. Au récit des frères jumeaux et de leur sœur, s’interpole celui de leur ancêtre, le jeune Gilles, en qui on décèle le talent nécessaire à la pratique des magies verte et bleue.
Si ce premier volume relate les premiers contacts de quatre enfants avec la magie, il ne s’adresse pas le moins du monde aux inconditionnels de Harry Potter. L’auteure y cultive un langage soutenu, mais aussi quelques longueurs qui suffiraient à décourager les jeunes lecteurs de J. K. Rowling. En effet, la saga d’Élisabeth Vonarburg nécessite une mise en contexte d’autant plus longue que le lecteur doit apprivoiser de nouveaux repères.
L’univers parallèle dans lequel on nous immerge est d’un réalisme tout en subtilité. Le lecteur doit réapprendre à penser et non pas accepter un contrat de lecture dans lequel figure l’invraisemblable. Si le suspense met 300 pages à se manifester, le purgatoire entre notre monde et l’imaginaire de l’écrivaine n’est pas dénué d’intérêt. Cet ouvrage se lit comme on ouvre une porte : non sans quelque appréhension de ce qu’on découvrira par la suite. Une fenêtre magique ? À tout le moins une imagination foisonnante.