Les amateurs de littérature médiévale apprécieront la récente publication de douze « récits d’amour et de chevalerie » composés du XIIe au XVe siècle. Signataire de la présentation générale, la professeure Danielle Régnier-Bohler et huit de ses collègues introduisent chacun de ces textes narratifs qui puisent à diverses sources : la tradition antique, l’épopée, les légendes folkloriques et, particulièrement, le fonds arthurien. La définition canonique de l’intertextualité, de Julia Kristeva, trouve d’ailleurs ici une illustration convaincante. Ces romans font le récit de longues quêtes amoureuses et de moult combats lors de guerres et de tournois où se distingue toujours quelque héros royal, jeune, beau, courtois, fougueux, qui, comme dans les contes merveilleux auxquels les textes empruntent, réussit la plupart du temps à vaincre les plus grands obstacles pour retrouver et épouser l’élue de son cœur. Celle-ci, bien sûr, ne le cède en rien à son ami en beauté, en générosité, en courage, en moralité, en noblesse
Le lecteur d’aujourd’hui ne peut plus apprécier le rythme ni la musique des vers octosyllabiques originaux, disparus lors de la traduction de l’ancien et du moyen français au français moderne. Il remarque en revanche les nombreux artifices dont la littérature universelle s’est nourrie de tous temps et qui vont du déguisement à l’utilisation de la fausse lettre, des complots iniques aux évanouissements répétés, de l’intervention du hasard (ou de la main divine) au triomphe de la vertu et au châtiment du mal, des rebondissements en cascade au happy end attendu Dans ces récits à scènes répétitives, aux tons multiples et à visées volontiers moralisatrices, il est intéressant de noter encore la disparition progressive des personnages allégoriques en vogue aux XIIe et XIIIe siècles.
Récits d’amour et de chevalerie est une publication utile, réalisée avec soin, où l’annotation est faite avec justesse et sobriété tout à la fois. Elle offre de surcroît un judicieux « lexique des termes de civilisation », un pertinent index des lieux et personnages évoqués et, enfin, une excellente bibliographie des « principaux ouvrages qui concernent la production romanesque du Moyen Âge ».