Figure marquante de la chanson francophone et de la littérature québécoise, Raymond Lévesque a souvent vu ses œuvres négligées par le monde du livre québécois. Il est l’auteur de centaines de chansons, et paradoxalement, plusieurs de ses meilleurs disques sont devenus introuvables. Certains de ses ouvrages (pensons à Électrochoc, 1981) n’ont même pas été inclus dans le très exhaustif Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec.
Céline Arsenault, qui fut pendant longtemps sa compagne de vie, a réussi une biographie d’une grande précision, grâce à plusieurs carnets intimes de l’écrivain : on y découvre beaucoup de détails sur la vie parisienne de Raymond Lévesque, avec les noms de lieux où il s’est produit, son répertoire, ses fréquentations, de Jacques Brel à Georges Brassens et Pauline Julien. Plus loin, on évoque même les nombreuses pièces satiriques que Raymond Lévesque a écrites et montées sur scène, comme Piano Bar, qui connut un vif succès en 1976 au Théâtre de l’Île, mais dont il ne semble pas subsister de traces écrites.
Quelques coquilles subsistent : l’acteur Eddie Constantine (1917-1993) – le premier artiste à enregistrer « Quand les hommes vivront d’amour » – n’est pas né en 1971 !
Beaucoup d’éléments biographiques figuraient déjà dans l’excellent livre D’ailleurs et d’ici (Leméac, 1986), où Raymond Lévesque adoptait un style proche de la confession. Mais on trouve dans Raymond Lévesque, Une vie d’ombre et de lumière plusieurs documents importants : une lettre de Pascal Lévesque – son fils aîné – à propos de son illustre père, les textes complets de plusieurs chansons inédites, comme « J’ai bu un peu » (1948), et aussi le manuscrit daté de 1956 (avec un couplet inédit) de ce qui allait devenir son plus grand succès, portant ici le titre de « Lorsque les hommes vivront d’amour ». D’ailleurs, au vingtième chapitre, intitulé « Dans la grande chaîne de la vie », Céline Arsenault évoque les circonstances entourant cette composition légendaire et en compare les différentes versions. Fait inusité, la biographe est souvent présente tout au long de l’ouvrage ; elle peut même relater son propre accouchement de l’enfant conçu avec Raymond Lévesque. On apprend beaucoup à propos de ce grand auteur, dont l’immense talent n’a d’égal que l’humilité. En somme, Céline Arsenault nous offre pour son tout premier ouvrage la référence définitive sur l’auteur de « Bozo-les-culottes ».