La traduction française de l’un des premiers romans, publié initialement en 1986, de Richard Russo nous parvient enfin ! Quatre saisons à Mohawk est le très beau récit – autobiographique ? – de l’enfance d’un jeune garçon, Ned Hall, que la vie malmène : parents séparés, mère dépressive internée dans un hôpital psychiatrique, père généreux pilier de bar.
Le récit se déroule à Mohawk, gros village imaginaire de l’État de New York, où tout le monde se connaît, où assurément il ne fait pas très bon vivre car, après la guerre, le chômage y est endémique, les immeubles sont désaffectés et les bars, bondés. Avec un souci du détail peu commun et une remarquable sensibilité, Richard Russo met en scène des personnages attachants dont l’histoire nous captive dès le début : Sam, le père de Ned, buveur invétéré depuis son retour de la guerre, son ami Wussy, le Noir vaguement philosophe dont la patience n’a pas de limites, F. William Perterson, l’avocat débonnaire de la mère de Ned, l’amie de cœur de Sam, Eileen, mère infortunée de Drew, grand comme une maison, emmerdeur de première ! surnommé, à bon droit, Zéro par Sam, sans oublier les habitués du Mohawk Grill écornifleurs patentés, parieurs affligés et poivrots de même farine. Pourtant, cette faune généralement pacifique nous séduit qui par un geste de générosité, qui par un supplément d’âme, qui par un conseil avisé ou une parole réconfortante.
La narration, lente, sert bien le propos qui est proprement humain : Richard Russo dépeint la vie ordinaire des gens ordinaires aux prises avec des problèmes de petites gens et il le fait avec tant de talent qu’on a l’impression d’avoir été intronisé au Mohawk Grill, d’avoir maintes fois croisé Sam Hall et son fils, d’avoir pêché la truite avec Wussy Et puis, au moment ultime, lorsque Ned et la faune des bars de Mohawk rendent un dernier hommage à Sam Hall, on fait tout simplement partie des intimes.