Lorsqu’un premier livre nous parvient couronné d’un prix, en l’occurrence le Prix du Gouverneur général 2013, catégorie romans et nouvelles, il est difficile d’en entreprendre la lecture sans avoir quelque attente, ce qui est le plus souvent une mauvaise chose, tant pour le livre que pour son auteur. Prix et bruit médiatique distraient plus qu’ils ne donnent une idée juste d’un projet de livre mené à terme. On a beau vouloir faire abstraction de la reconnaissance qui le précède, le regard n’est pas le même. Aussi, me suis-je plongé une seconde fois dans la lecture de Quand les guêpes se taisent, premier recueil de nouvelles de Stéphanie Pelletier. La même réserve m’habite en le refermant. Stéphanie Pelletier a indubitablement du talent, et son recueil nous fait entendre une voix aussi personnelle que singulière, mais ce livre, tout publiable soit-il, n’est pas exceptionnel. Les quatorze nouvelles réunies ici réussissent à créer un ensemble dans lequel s’imbriquent les textes qui, chacun à sa manière, proposent une vision d’un monde fragile et parcellaire, vision qui nous est le plus souvent rendue par des personnages féminins d’âges divers explorant tour à tour l’amour, la solitude, l’abandon. La sexualité mise en scène dans ces nouvelles a ici pour fonction de circonscrire tout à la fois le champ de l’intimité, le désir et la déception, l’espoir et la banalité. Rien de grandiose dans les histoires qui nous sont données à lire, et ce n’est certes pas un défaut, Stéphanie Pelletier préférant, à juste titre, explorer les états d’âme de ses personnages, les révéler : « Oui, il y a une fissure dans chaque chose, dans chaque être humain, et c’est par cette faiblesse, par cette plaie vive que la lumière entre ». L’intérêt de ce premier recueil réside sans conteste dans cette mise à nu des personnages, dans le dévoilement de cette lumière qui s’estompe sitôt la lueur qu’elle porte révélée au jour. Mais plusieurs de ces textes auraient gagné à être resserrés, voire certains passages réécrits. Quelques transitions sont maladroites et rompent la sphéricité qui donne au genre sa spécificité par rapport au roman, son envol. Par-dessus tout, les parties dialogiques, par leur parti pris à vouloir épouser l’oralité des personnages, créent un hiatus dans le déroulement du récit et ont le plus souvent pour effet de susciter un agacement plutôt qu’une adhésion à la prise de parole des personnages. Ce livre méritait certes d’être publié, son auteure d’être encouragée. De là à lui décerner le Prix du Gouverneur général…
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