Martin Petit a servi pendant quatorze ans comme fantassin dans les Forces armées canadiennes. De son embauche en 1989 jusqu’à sa « libération » en 2003, il aura participé à cinq « missions de paix » : au Qatar en 1990-1991, en Croatie en 1992, en Somalie en 1992-1993, en Krajina en 1995 et en Bosnie en 2002. Maintenant atteint du syndrome de stress post-traumatique, il se dit un ardent défenseur de la paix.
Dans la postface, il avertit qu’il n’a pas la prétention d’être un écrivain. Le livre, il l’a écrit pour se libérer des images obsédantes qui l’empêchent de dormir. Et aussi pour décourager les jeunes qui souhaitent s’engager dans l’armée. L’ouvrage, qui, étonnamment, ne manque pas de qualités littéraires, raconte les guerres menées mais aussi la vie humiliante d’un soldat. L’esprit de la guerre, la quête du pouvoir, l’asservissement dont sont victimes les fantassins ont sur eux des effets destructeurs. Les simulations de combats, par exemple, se doivent de refléter la réalité, et il n’y aurait pas de honte à terroriser et à torturer un soldat de son bataillon, qui fait partie de l’autre clan pour la durée de l’exercice. Celui qui ne se prêtera pas au jeu sera douloureusement rabroué par son supérieur. Sens de l’initiative, émotions, individualité, on l’aura compris, n’ont pas lieu d’exister.
Le pire, évidemment, sera les fameuses missions de paix. Le soldat en ressort frustré, en état de choc. Comme l’affirme l’auteur, un soldat sur sept reviendra d’une intervention en développant le syndrome de stress post-traumatique.
Plusieurs passages du livre mériteraient d’être diffusés. Certains épisodes peu glorieux de notre histoire, comme les cas de torture en Somalie, ont ici leur témoin. « J’ai allégé le texte final de pages entières, tant ce que j’avais écrit était honnêtement trop méchant, nocif et subversif. J’ai même eu le scrupule, par je ne sais quel réflexe idiot, de taire les noms des meurtriers et des abuseurs que j’ai connus. J’en ai encore contre certains individus, mais c’est le système et la culture militaire qui, plus que tout, m’exaspère », conclut l’auteur, dont la hargne, au fil du livre, ne s’est pas émoussée.