Où trouve-t-on les ouvrages à l’Index et les livres autrefois considérés comme étant licencieux ? À la bibliothèque du Séminaire de Québec, évidemment ! Ce beau livre les présente (presque) tous.
Historienne, Pierrette Lafond a reçu les clefs de « l’Enfer » du Vieux-Québec. C’est ainsi que l’on désignait le repaire des livres interdits parce que ceux-ci risquaient, disait-on, de perturber, voire de « corrompre » ou d’inspirer malveillamment certains esprits trop influençables. On arpente les rayons de l’ancienne bibliothèque du Séminaire de Québec en partageant ses découvertes, savamment inventoriées et répertoriées. De quoi est-il question dans ces livres prohibés ? D’autres religions que le catholicisme, du jansénisme (« déclaré mouvement hérétique et condamné par le pape en 1713 »), de certaines avancées scientifiques ; quelques titres critiquaient la morale ou les religions ; plusieurs auteurs étaient jugés immoraux. Ces livres subversifs n’étaient pas destinés à être détruits, ils étaient réservés à des esprits éclairés, non influençables et, de ce fait, leur accès était limité et contrôlé.
Les plus belles pages de Promenade en Enfer sont consacrées à des ouvrages datant du Régime français, donc d’avant la Révolution française : ils sont nombreux et beaucoup de leurs auteurs sont oubliés. Parmi les livres présentés, citons aussi L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, en plusieurs tomes. L’abondance des livres acquis dès leur parution initiale contredit l’impression d’un Bas-Canada coupé de l’Europe et étranger à la littérature.
Il faut admettre que la bibliothèque historique du Séminaire de Québec regorge d’une impressionnante collection de livres à l’Index, en latin et en français. Son intérêt est d’avoir conservé en une seule section séparée cet ensemble de livres sous surveillance, tel un corpus cohérent, alors que toutes les autres bibliothèques (publiques ou scolaires) les avaient simplement réintégrés dans les rayonnages, lorsque la Loi de l’Index fut abrogée, en 1960.
Presque chaque page comprend une illustration ; on peut lire en fac-similé quelques lettres de permission (ou de refus) donnant accès à « l’Enfer », signées par le recteur de l’Université Laval, Mgr Ferdinand Vandry. Selon les demandes, certains livres de Jean-Paul Sartre étaient exceptionnellement autorisés en 1953, sauf La nausée, mais l’année suivante, l’étudiant Raymond Joly s’était vu refuser l’accès aux Essais de Montaigne et à deux romans de Stendhal.
La conclusion de ce beau livre nous rappelle que la censure existera toujours, sous des formes subtiles et renouvelées.