Existe-t-il vraiment, dans l’est du Québec, une langue truffée de mots comme amourachures, paysance, respirance et autres racinages, ou s’agit-il d’inventions d’une race d’auteurs qui veulent chanter le terroir, qui se sentent portés par lui au point d’en hypertrophier le verbe ? Chose certaine, Sylvain Rivière affectionne les néologismes et les jeux de mots gratuits jusqu’à l’outrance, ce qui se vérifie au fil des pages : « [c]e beau grand cordon marquant les pages d’une ombilicalité pagière » ; « [n]’en déplaise à Jean-Marie Laurence et à ses disciples de la litote et de l’otite ».
Par sa collection « Écrire », les éditions Trois-Pistoles invitent des auteurs à raconter comment ils en sont venus à l’écriture et à décrire la place que cette activité occupe dans leur vie. C’est ce que fait Sylvain Rivière, en se perdant de temps à autre, en bon poète qu’il est, dans le torrent de mots. On plonge dans cette écriture pour la goûter, ou encore on cherche à la naviguer pour en extraire le message, et on apprend que l’auteur n’aimait pas vraiment l’école, qu’il s’est « colletaillé » avec l’injustice toute sa vie et qu’il est passé par quelques détours avant de décider de se consacrer à l’écriture, « métier de têtes enflées et de crève-faim », disait son entourage au moment de son inscription au cégep de Rimouski.
Nonobstant le titre et ce que semble annoncer l’objet de la collection, il est à prévoir que le livre intéressera plus les amateurs de poésie et les fidèles de Sylvain Rivière que les auteurs en herbe qui chercheraient des pistes ou les amateurs de littérature souhaitant réfléchir sur le processus d’écriture. Il serait toutefois faux de prétendre que ceux-ci resteront sur leur faim. Seulement, ce style dédalogorrhéique peut dérouter. Sylvain Rivière aime sa vie et son travail et entreprend avec l’écriture un corps à corps qui transpire dans toutes ses pages. On le prend ici en entier ou on ne le prendra pas.