Dans ce recueil, les quatre éléments halètent, soupirent, frissonnent, se répondent : la terre, le feu, l’air, et l’eau, ubiquitaire, charnelle, intime comme le suggère le titre du recueil. Le portrait convie ici à la contemplation, à la méditation aussi, féconde néanmoins : « L’eau serait-elle ce trop de ciel / penché sur la terre, qui s’y ploie / comme fusionnent corps et âme / en l’ultime feu, ce trop de vie / jetée sur la vie, usant les jours / et dévorant les semences ? ». La mer comme une matrice, « telle est ma demeure et telle, ma destinée ». Musicalité rime toujours ici avec littéralité.
Aux éléments constitutifs de tous les corps s’agrège le temps, celui qui passe, fuit ou s’immobilise. « L’horloge de l’aube » tourne, retourné le sablier ; bientôt d’autres voyages, d’autres rivages. Mais « Ex perfecto nihil fit », « à partir de ce qui est parfait, rien ne devient » : Hélène Dorion renvoie subtilement à la sagesse des Anciens. Le voyage est moins initiatique que fondateur, sybaritique, quand « s’amarrent à l’obscur nos paupières épuisées ».
L’appariement entre des mots légers, éthérés presque (déploiement, onde, lueur) et des verbes terriens, physiques (laboure, défrichent, fauche), ajoute à la sensation de communion des éléments, à leur anastomose. Ça vient du ventre, c’est sensuel, tour à tour tendre ‘ « l’âme effleure l’aube » ‘ et ardent ‘ « m’embrase, et de clarté m’encercle ». Si tant est qu’on puisse comparer roman et poésie, j’oserais faire un parallèle avec l’écriture poétique d’Hélène Cixous dans Le livre de Prométhéa, où le terrestre, le viscéral, se mêle sans manichéisme à l’aérien, au fluide ; cette assertion n’est rien moins qu’apologétique sous ma plume mais Portraits de mers n’est rien moins qu’irrésistible ; on s’abandonne au vertige des mots sans sédition. C’est si coruscant, un « ciel [qui] sculpte le silence ».