Étienne, un étudiant au doctorat, met la rédaction de sa thèse sur la glace afin de se consacrer à un projet d’écriture romanesque. Le temps de « [c]inq semaines de réclusion [et cela] pour vivre au rythme de la ville », il loue une chambre d’hôtel à Port-Alfred, au Saguenay. Dans son sac, il apporte des enregistrements audio d’entrevues réalisées avec certains habitants de la ville, des cassettes qui sont le fruit d’un terrain anthropologique effectué quelques mois auparavant par un collègue de l’université. Interpellé et fasciné par les discours et les confidences que contiennent ces bandes sonores, Étienne est parti à la rencontre des gens qu’il souhaite transformer en êtres de papier. Aussi, à l’hôtel où il loge, il fait la connaissance d’une fille aux mSurs singulières. Johanna est à la fois femme de chambre, étudiante, mais surtout, elle co-dirige un site Internet de sexualité fétichiste. Si Étienne l’ajoute au nombre des personnages de son roman, Johanna, en contrepartie, utilise les services d’Étienne le temps d’une séance de photos pour son site Web. Ainsi, durant son séjour dans la ville portuaire, divers événements fortuits se présentent à l’apprenti romancier.
Port-Alfred Plaza est le cinquième ouvrage du romancier et poète André Girard, et sa première fiction à être publiée chez Québec Amérique. Il s’agit d’un roman sur le thème de l’écriture, mais aussi d’une histoire qui dévoile des gens simples, des ouvriers, cela dans la spontanéité de leurs discours quotidiens. Comme l’affirme d’ailleurs un des personnages au principal protagoniste, « tu donnes la parole à ceux et celles qui ne feront jamais l’histoire ». Par la présence de nombreux narrateurs, l’ensemble du texte propose un caractère polyphonique très bien orchestré dans lequel diverses voix s’entremêlent. Également, bien que le roman emprunte la forme du journal intime, la temporalité est mouvante. Les souvenirs d’Étienne se transportent de Québec à Moscou, Monsieur Fernand revisite le Québec des années cinquante et soixante et Lili se remémore son passé d’aguicheuse de marins. Cela dit, en plus de rendre compte du monde sensible avec nuance et perspicacité, André Girard fait preuve d’une grande maîtrise des codes romanesques.