À ne pas confondre avec son ouvrage Philosophie de l’éducation, Essai sur le devenir humain (Presses Universitaires de France, 2004), ce nouveau livre du professeur Thomas De Koninck reprend des éléments de son célèbre cours, dans un exposé plus pédagogique et facilement accessible aux non-philosophes. L’auteur propose de « repenser l’éducation par le fond ». Sa démonstration est magistrale: on revoit avec lui l’art, la grande littérature, les textes fondamentaux ; il prône un retour à l’enseignement des lettres et « des textes les plus communs de notre culture ». L’élément central dans la pensée du philosophe est la dignité humaine, qui fait que « l’être humain est au-dessus de tout prix », que « chaque humain est unique au monde ». Ainsi, pour préciser sa définition de la dignité humaine, déjà à la source du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, Thomas De Koninck citera le Journal d’André Gide: « […] ce qui nous invitait à vivre, ce qui nous sauvait du désespoir ».
Comme pour le poète ou le prophète, le travail du philosophe est d’inspirer, d’inviter à la réflexion. Ici, plusieurs passages particulièrement riches pourraient être médités, notés et cités. À propos des dérives possibles des techno-sciences, l’auteur déclare : « La science n’est en réalité nullement responsable [ ]. Il faut accuser plutôt le manque de culture, qui se traduit toujours par un manque de jugement ». Les dernières pages sont encore plus lumineuses, par exemple celles sur la responsabilité humaine par rapport aux défis actuels: « […] l’homme n’a pas de nature, il a une histoire ». Pour lui, l’existentialisme de naguère nous rappelle que nos décisions se prennent « en situation », dans « un maquis de circonstances, dans la contingence ». On apprécie la vaste culture de ce philosophe aguerri, une culture qu’il partage volontiers dans des citations généreuses. Enfin, sa conclusion n’étonnera personne: « […] il est dans le meilleur intérêt des sociétés de stimuler désormais les études à tous les niveaux ‘ en particulier les études supérieures et la recherche fondamentale ». Et l’école, comme la démocratie, doit pouvoir « générer l’enthousiasme », comme le fait admirablement cet ouvrage.