La quatrième de couverture du dernier roman de France Daigle laisse présager un récit où l’« activité » ne manque pas et où les « questionnements » sont nombreux. Lecture faite, l’intrigue s’avère ténue : elle prend racine autour du projet de transformation d’un « entrepôt moyennement délabré » en loft habitable destiné aux citoyens de Moncton, en Acadie, où se situe principalement l’action. Ce programme rassembleur touche à peu près tous les protagonistes, en particulier le couple formé de Carmen et de Terry ; ce dernier a pris l’habitude d’agir après avoir consulté les oracles du « Yi King », un exercice de « divination » dans lequel il emploie la « méthode des billes » colorées. C’est du reste de la consultation des « livres d’interprétation » de ces oracles que proviennent les intitulés et la numérotation inusitée des chapitres et, sans doute, les exergues constitués, non pas de mots, mais de traits et de tirets répartis sur six lignes, rappelant vaguement l’alphabet morse.
Parmi les différents sujets abordés (l’art, le « changement spontané », les relations filiales, patronales et sociales…), la question linguistique tient certes le haut du pavé. La « richesse de vocabulaire » d’une nouvelle arrivée en éblouit plus d’un, tandis que Carmen et Terry ont ensemble un « argument […] sus le chiac », leur « langue maternelle ». En résulteront notamment l’achat de multiples dictionnaires et un projet de librairie.
Cette intrigue progresse en empruntant le mode linéaire traditionnel, ponctué de très rapides changements de scènes : à peine amorcé, et ce, en quelques lignes seulement parfois, un tableau laisse vite la place au suivant, pour réapparaître éventuellement plus loin dans le même chapitre. Il en résulte souvent un trouble effet de vivacité narrative et de rupture textuelle.