Phénomène planétaire mobilisateur, le sport s’apparente à un vaste système éducatif qui propose son fonctionnement, ses règles et son image comme façon de concevoir la santé et l’exercice. C’est donc dire la place que les sportifs occupent comme modèles et son influence sur les jeunes. Le dopage y est alors perçu comme un mensonge qui éclabousse la foi des partisans. Dans son Petit exercice philosophique, Jocelyne Rioux prend prétexte de la publication d’un numéro d’Éthique publique consacré au dopage sportif pour cerner les enjeux du débat et déterminer quelques pistes de réflexion capables de nous sortir des lieux communs et des plaidoyers scandalisés qui meublent si souvent nos ondes médiatiques.
Prenant appui sur le caractère éthique de la participation sportive pour en montrer la cohérence et les limites, Jocelyne Rioux souligne avec raison les difficultés à encadrer ce qu’est une tricherie par dopage et relance le débat sur les dimensions morales d’une pharmacologie impliquée dans l’usage de produits dopants. Sans jamais faire du sport un jeu pur qui aurait été souillé par des pratiques récentes de dopage et en refusant que la compétition, au centre de la définition du sport, soit reproduite dans la société, elle brosse un portrait juste des enjeux du sport dans un monde surmédiatisé où les athlètes sont des vedettes plus célébrées que les politiciens et les intellectuels.
Réflexion bien menée, toujours appuyée d’exemples éclairants, tant contemporains que puisés au bassin antique, ce qui lui donne une consistance, la plaquette s’embourbe à l’occasion dans des pistes trop éloignées du sujet traité, comme si le sport et le dopage permettaient à Rioux de réfléchir sur l’ensemble des comportements humains. Certes, le sport mène à tout et est omniprésent, ce qui en fait une manière juste d’analyser le monde contemporain. Mais la philosophe se disperse dans trop de directions, ce qui ne l’empêche toutefois pas de signaler avec justesse comment la méritocratie, ce pouvoir du vainqueur à imposer ses vues, est au cœur du problème du dopage. Elle nous engage dès lors à prendre cet enjeu selon une perspective coopérative où tous les intervenants auraient voix au chapitre afin de briser le cycle autoritaire qui caractérise présentement la lutte contre dopage.