Thème universel, littéraire et politique, le Nord fascine depuis longtemps. Mais pour combien de temps encore ? Si on en venait à le perdre C’est la question que se pose ici la journaliste scientifique Dominique Forget, appuyée par Bernard Voyer et toute une équipe de spécialistes des enjeux climatiques et géopolitiques. Son essai Perdre le Nord ? regroupe de magnifiques illustrations, des graphiques et des tableaux qui effraient par leurs perspectives alarmantes, ainsi qu’une carte montrant les grands changements dans l’environnement du pôle Nord. L’auteure dépasse le débat public sur le réchauffement planétaire en révélant, dans un langage simple et clair, la situation déplorable d’un Nord qui fond à vue d’œil.
En plus de dresser un bilan écologique où l’on sent les multiples craintes scientifiques quant à cet espace immense qui calotte la planète, Forget consacre une large part de son ouvrage aux questions politiques, juridiques et économiques. D’ici trente ou quarante ans, y apprend-on, il n’y aura plus de glace au pôle Nord l’été. Par le fait même, le sous-sol marin, eldorado contenant une réserve formidable de gaz naturel, d’or et de diamants, pourra être accessible et exploitable. Sachant qu’une loi allègue que toute voie maritime reliant deux océans fait partie des eaux internationales, et permet donc à quiconque d’y circuler librement, on comprend que le Canada devra redoubler d’ardeur pour redéfinir ses politiques et assurer la défense de son territoire. La soif de richesse naturelle incite sans doute les voisins circumpolaires du Canada, les États-Unis (Alaska), la Russie, la Norvège et le Danemark (Groenland), à s’éveiller eux aussi à la cause environnementale.
Malgré quelques répétitions, le document de Dominique Forget souligne un problème qui pourrait bien surprendre davantage d’ici quelques décennies, et il presse le gouvernement d’agir. Mais au-delà de la question politique, c’est tout un écosystème qui est menacé, avec sa biodiversité et les populations nordiques qui l’habitent. Comme le décrit bien Bernard Voyer dans la postface, chacun est concerné, et c’est en se rassemblant que l’on pourra changer les choses ou, du moins, trouver certaines astuces pour s’adapter à un environnement qui évolue à grande vitesse.