Tout serait donc lié, littérature et vie politique, société et sacré. Pas plus que le Québec ne se rend à lui-même l’hommage de la souveraineté, le romancier d’ici ne quitte son statut de fils. L’écriture deviendrait même la compensation à l’échelle individuelle d’une impuissance collective. « Le lien du destin littéraire à celui du pays est patent. »
François Ouellet, face au défi de donner de l’expansion et de la plausibilité à l’immense métaphore du père, cherche et trouve des munitions aussi bien dans les intuitions de Freud et de Jacques Lacan que dans les lumineux essais de Fernand Dumont et de Pierre Vadeboncur, les uvres romanesques de Louis Hamelin et d’Hubert Aquin et les analyses de Gilles Marcotte et de Jean Baudrillard. Le maniement des sources est ingénieux, éclairant, presque constamment probant.
Passer au rang de père, ce serait contester les figures verticales, leur donner la mort, vaincre la culpabilité, mais ce serait aussi prendre leur place et assumer leur rôle, se savoir capable de les remplacer et oser en conséquence. Le Québec ne va jamais jusqu’au bout de la course : il élimine la foi religieuse, mais il se dispense ensuite de tout Ineffable et laisse le ciel vacant. Or, dirait Pierre Vadeboncur plusieurs fois cité par l’auteur, que gagne-t-on si la masse est « devenue maîtresse du centre, alors qu’il n’y a plus de centre ? » Pendant ce temps, l’écrivain québécois ne parvient que rarement à créer des figures de pères convaincantes. Même la récente séduction du Nord ne libère pas nécessairement les fils.
Ramenée à ses articulations essentielles, la métaphore de François Ouellet est englobante et cruelle : « […] il fut un temps où l’on ‘pratique’ le père avec foi. Puis un temps où ce fut sans croyance. Puis un temps sans père et sans croyance. Enfin, c’est le temps qui finira par faire défaut ». On peut réclamer des nuances, ne pas admettre que la posture de fils rende la littérature surabondante et expiatoire, on n’échappera pas aisément aux questions de l’auteur.
Le texte aurait pu se passer de fautes d’orthographe (voir p. 38).