Disons-le tout de go, cette adresse autobiographique que l’on qualifie de roman en page couverture est une pure merveille. Il le sera pour ceux qui se retrouveront dans le récit, manière de lettre absolue, d’entrelacs stylistiques tantôt déclaration d’amour, tantôt confession.
Quand la sage et solitaire (mais « pas docile ») Françoise rencontre la délurée Pascale, les deux fillettes n’ont alors que onze ans. Une amitié les liera bientôt, de cette amitié qu’on ne découvre que dans l’enfance et à l’adolescence et dont on conserve si mélancoliquement le souvenir tout au long de sa vie en raison de ce qui fait précisément la spécificité de ces amours : elles sont inconditionnelles. C’est donc le temps des serments de fidélité à la vie à la mort et d’une amitié totale qui oscille entre quête d’absolu d’une « enfance cristalline » et désillusions de l’âge adulte, entre choses dites et confessions écoutées, entre profondeur des sentiments et possible dilettantisme, entre une femme qui donne (Françoise) et une autre (Pascale) qui prend : « Pendant toutes les années de notre adolescence je t’avais tenue debout. Plus personne dans ta vie n’avait eu pour toi cette attention absolue, indéfectible et têtue qui était la mienne ».
Les deux amies d’enfance grandissent ensemble, se perdent de vue, se retrouvent. Le regard nostalgique que porte Françoise sur le bonheur évanoui mais non oublié des jeunes années ne proscrit pas la lucidité au moment des retrouvailles. « Tu voulais que je te revienne. Mais je voulais que tu me rejoignes. Nos dynamiques étaient irréconciliables. » Mais l’amour est intact, et bientôt fixé à jamais par le décès de Pascale, atteinte d’un cancer : « Allongée sous le velours bleu, tu avais encore quarante-deux ans, tu avais encore cet âge qui est le mien ».
L’écriture est belle dans sa sobriété, dans son ascétisme, presque. Délicate et tendre. Françoise de Luca, née à San Giovanni in Fiore, dans le sud de l’Italie, a fait des études et a travaillé en France avant de venir s’établir à Montréal. Pascale est son premier roman.