Il y a l’Antarctique, la coupe à blanc, la désertification, la disparition de centaines d’espèces, l’exploitation généralisée, le déclin de la culture. Bref, la mondialisation de la cupidité et l’étouffement des voix par les cellulaires, les iPod et l’anglais – je devrais dire le sabir qu’on fait passer pour cette langue. Il ne s’agit pas de sombrer dans le fatalisme, mais d’être un tantinet conscient de notre capacité infinie à brûler notre richesse humaine. Même si les petits Québécois ne risquent pas de subir comme leurs congénères séouliens de familles riches la frénectomie (suppression d’une membrane de la bouche afin d’allonger la langue pour améliorer leur prononciation de l’anglais), il n’en reste pas moins que l’expansion de la langue de l’argent détruit aujourd’hui une part importante du capital humain.
Ce que démontre clairement le très stimulant ouvrage de Mark Abley, c’est que « l’envie d’anglais » (qui a bien à voir avec l’envie de pénis) atteint tout autant le Timor-Oriental, la Malaisie, l’Allemagne, la Pologne, la Chine que notre belle province. La question n’en est donc pas tant une de nationalisme que de consommation sans limites. 1984 est arrivé ! Plus l’anglais avance, plus la citoyenneté et la démocratie risquent de reculer. Et pourtant, l’équation est fort loin d’être aussi simple que je viens de la donner bêtement puisque l’anglais (voyez l’Afrique du Sud, le Tibet ou la Birmanie, comme le rappelle l’auteur) peut parfois être une arme de résistance. Bref, quel est le lien entre une langue et les représentations du capital ?
Ce n’est là qu’une des questions posées par Mark Abley souvent avec brio. Son idée n’est pas tant de pointer des langues agonisantes que de repérer des langues exemplaires du processus d’extinction (le yushi, le provençal, le mohawk, etc.). En fait, la tragédie de la perte des langues vient de ce que des visions entières du monde plongent dans le néant. Peut-on ne pas accepter l’esclavage linguistique auquel nous sommes de plus en plus soumis ? Oui. Et la lecture de ce livre le démontre. Mais n’oublions pas que des ministres importants du gouvernement du Canada peuvent maintenant être nommés sans qu’ils parlent un mot de français. Quant aux langues amérindiennes