De « l’antichambre de la mort », pour emprunter l’expression dont il use volontiers pour parler de la vieillesse, Laurent Laplante passe en revue ses engagements d’un demi-siècle, en les resituant dans le contexte d’un Québec en profonde transformation. Un ton un brin intimiste, d’une sincérité émouvante « tant cet écrivain craint l’exhibitionnisme », enveloppe son propos lorsqu’il touche aux principes, aux valeurs et aux motivations qui ont présidé à ses choix, y compris ceux qui se sont avérés des erreurs. Il effleure sa vie privée juste ce qu’il faut pour que l’on comprenne la complicité entretenue avec sa compagne de toujours pour ce qui est de ses choix professionnels, de la vie modeste loin de l’agitation de la ville, du goût de la lecture et de la réflexion. Mais le polémiste n’est jamais loin. En effet, le septuagénaire, toujours capable d’indignation, cible les zones obscures de la société québécoise : qu’est-elle devenue depuis les grandes semailles de la Révolution tranquille ? Tant d’espoirs étaient permis Non pas nostalgie, mais plutôt désillusion, de préciser l’essayiste. Il pointe tous les secteurs de la vie politique, sociale, religieuse et culturelle. Des gains, oui, notamment la démocratisation de l’enseignement avec la création des cégeps, et la laïcité, quoiqu’une laïcité inachevée parce que dépourvue de spiritualité, de sorte que la mort sans promesse d’immortalité aurait vidé la vie de son sens. Quant à lui, Laurent Laplante témoigne des valeurs qui ont rempli sa vie, sans la croyance à l’immortalité. Une vie inspirée par l’altruisme, la culture, la réflexion, une mémoire à transmettre.
Échec du Québec en cette matière, selon le septuagénaire. Les mondes de l’information et de l’éducation sont particulièrement critiqués en raison du laxisme et de la complaisance dont ils seraient atteints. Du pain et des jeux ! Rigueur et analyse réduites à la portion congrue, même dans une institution comme Radio-Canada dont il évoque la « dégénérescence » et l’« hypocrisie snobinarde ». Tous médias confondus donc, à l’exception de la Toile, la seule à offrir des dossiers approfondis sur ce qui se passe dans le monde, d’estimer l’ex-journaliste.
Par marée descendante reflète l’histoire d’un homme désenchanté, non pas tant par le fait de se rapprocher de la mort, mais par celui de constater le fossé entre les promesses de la Révolution tranquille et l’apathie ambiante.