Entre 1933, année où il est proclamé chancelier de l’Allemagne, et 1945, année de son suicide, Adolf Hitler a fait l’objet de 42 projets ou tentatives d’assassinat. Dans son dernier ouvrage, l’universitaire et journaliste français Jean-Paul Picaper revient sur le plus célèbre de ces attentats, l’opération Walkyrie. Au passage, il en profite pour réfléchir sur la place qu’occupent, aujourd’hui, ces événements dans la conscience collective allemande.
D’abord, il retrace dans le détail le cheminement de la conspiration : les hésitations et les doutes de ses auteurs, leurs tentatives préalables ratées et leurs fins tragiques. Beaucoup découvriront comme nous que, plus qu’un attentat, c’est un coup d’État que préparaient les conspirateurs. L’opération Walkyrie ne fut donc pas le projet de quelques individus déçus, mais une véritable révolte impliquant des dizaines de hauts gradés militaires et de civils. Le mouvement nazi décapité et ses principaux ténors traduits en justice, les mutins espéraient remettre l’Allemagne sur la voie du droit et lui restituer son honneur perdu.
Dans une passionnante seconde partie, Picaper interroge les descendants des auteurs de l’attentat qui en ont aussi été les témoins. Surtout, il donne la parole aux deux seuls survivants de la conspiration : Heinrich Ewald von Kleist-Shmenzin et Philippe von Boeselager (décédé depuis). Kleist-Shmenzin, en particulier, livre un témoignage exceptionnel sur ce que représentait Hitler aux yeux des Allemands, loin des caricatures dont il fait l’objet depuis. Son témoignage nous met en prise directe avec le zeitgeist de l’époque.
Enfin, dans une dernière partie plus ardue pour les non-initiés, l’auteur tente de comprendre pourquoi des Allemands ont tenu si longtemps en suspicion les auteurs de l’attentat du 20 juillet 1944. Beaucoup de ses hypothèses renvoient au conflit idéologique qui a divisé pendant 40 ans l’Allemagne d’après-guerre. Picaper rappelle qu’étant les ennemis jurés du bolchevisme, ils n’étaient pas destinés à devenir des héros en RDA communiste. À cet égard, la chute du mur ne semble pas avoir accordé les points de vue. Cette discordance nous rappelle la complexité qu’il y a à appréhender a posteriori les grands soubresauts de l’histoire. En dépit des limites inhérentes au genre, Opération Walkyrie reste un ouvrage essentiel pour qui veut comprendre le phénomène assez mal connu de la résistance allemande au nazisme.