Couvrant les ultimes décennies du parcours d’Olivar Asselin, ce troisième tome de sa biographie livre du pamphlétaire une image quelque peu assagie. Hélène Pelletier-Baillargeon, fidèle à sa rigueur et à un sens avéré de la mesure, loue l’élégance de l’écriture d’Asselin sans occulter les outrances de ses jugements. Asselin fut l’une des plus magnifiques plumes d’un Québec qui n’en comptait guère, mais il fut aussi, par entêtement décevant, un farouche opposant au vote des femmes et à toute sécurité sociale contrôlée par l’État.
Sans verser dans le misérabilisme, la biographe décrit la pauvreté qui, sa vie durant, tortura Asselin. Certes, il commit des impairs, mais il fut surtout brimé par un cléricalisme vindicatif et intolérant. Revenu pendant la guerre à la foi et à la pratique religieuse, Asselin ne réclamait pourtant rien de plus que le droit pour le citoyen d’apprécier librement les questions de nature civile. Privé de tribune par des clercs de haut vol, comme le cardinal Villeneuve et Mgr Camille Roy, Asselin mourut dans un dénuement qui fait honte : « Ce sont les autorités militaires américaines qui défrayeront le coût des funérailles, Asselin n’ayant laissé derrière lui que des dettes… » Asselin était major dans l’armée canadienne, mais il avait servi, « du printemps 1898 à l’automne 1899, sous les drapeaux des First Rhode Island Volunteers engagés dans la guerre hispano-cubaine »…
À juste titre, la biographe évoque les textes pénétrants rédigés dans un français meurtrièrement clair par ce journaliste qui ne laisse aucun livre. Dans l’un de ces écrits majeurs, « Sir Wilfrid Laurier », Asselin explique, en s’appuyant sur Papineau, que le Québec français descend une pente savonneuse depuis que ses dirigeants l’ont logé sous un toit confédéral où jamais plus le fait français n’aura le poids d’une majorité. Aujourd’hui, on fait d’Asselin un visionnaire. De portée comparable, les propos d’Asselin au sujet du roman de Lionel Groulx (L’appel de la race) le montrent maître de la langue et connaisseur de la sociologie.
Humilié de devoir négocier avec Taschereau la direction du journal libéral Le Canada, mais traité comme un maître par une superbe phalange de journalistes, Asselin reçoit ici, grâce à Hélène Pelletier-Baillargeon et par-dessus la tête d’une société et d’un clergé qui l’ont mal traité, l’hommage attendu.