Dans l’art des titres concis, deux romanciers se démarquent cette année : Jean Echenoz avec 14 et Philippe Djian avec “Oh…” Dans le cas de Djian, l’audace (ou le pied de nez) ne se limite pas au choix d’une interjection (qui plus est, ambiguë à souhait) : l’auteur, qui a récolté le prix Interallié avec ce livre, a tenu à utiliser des guillemets anglais.
Ce roman aurait tout aussi bien pu s’intituler « Imbroglios », car c’est un enchevêtrement de situations compliquées et de mauvaises décisions qu’il relate. On y suit Michèle, la narratrice, une Parisienne d’âge mûr qui mène une florissante carrière de productrice de cinéma. Elle vient tout juste d’être violée chez elle par un homme qui se met ensuite à lui envoyer des messages. Plutôt que de se recroqueviller dans la peur ou de tenter de traîner son agresseur en justice, Michèle va amorcer une relation perverse avec lui. Ce n’est pas la moindre anomalie qui s’observe dans sa vie. On découvre qu’elle est la fille d’un meurtrier d’enfants et que sa mère, septuagénaire, a une vie sexuelle débridée ; on apprend que Michèle entretient une liaison sans grande signification avec le mari de sa meilleure amie et on la voit aider son fils à kidnapper un enfant dont le père est emprisonné en Thaïlande.
N’en disons pas plus, de crainte de dévoiler d’autres effets de surprise de ce roman à la prose assurée et au rythme efficace. “Oh…” séduira par son portrait nuancé des personnages (notamment Richard, l’ex-mari empathique, mais scénariste raté). Il plaira aussi par son mépris de la rectitude. Abordant avec originalité et subtilité un thème grave, le viol, Djian s’y livre à une très convaincante incursion dans la peau d’un personnage féminin. En résulte un livre à la fois sobre, haletant et diabolique.