Pourquoi rééditer ce qui aurait avantage à passer à l’oubli ? On se le demande en lisant ces chroniques hebdomadaires publiées dans Le Devoir d’avril 1984 à juillet 1985. La hargne y coule à chaque page, dans un mouvement d’humeur qui cloue au pilori, sans analyse et sans nuances, les chaînes, les auteurs, réalisateurs, animateurs, chanteurs, bref, tous ceux qui étaient alors derrière et devant les caméras de télé et aux micros de la radio. Les personnages publics, politiciens en tête, passent aussi à la moulinette. Non pas que tout ce beau monde ne mérite que congratulations, loin de là. Mais la crédibilité du chroniqueur en prend un coup quand tout est dit « cucul, si cucul », « mâche-mâlo quétaine », « déliquescent », « bas de plafond », « papotage sans intérêt », « épais », « insignifiance sans appel », « débilités », « vieilleries barbifiantes », quand des jugements à l’emporte-pièce, à la manière de coups de poing, se substituent à l’argumentation. Je tais les coups de griffes gratuits infligés aux Félix Leclerc, Jean-Pierre-Ferland, Pierre Morency et à combien d’autres artistes réputés. La polémique exige de meilleures assises.
Dommage, car on en oublie la qualité de l’introduction et l’intérêt de la « Forclusion ». De l’introduction datant de février 1985, on pourrait tirer quelques pages d’anthologie : la narration de l’arrivée de la télévision en 1956 dans l’arrière-pays de Saint-Jean-de-Dieu, au sein d’une famille citadine exilée à la campagne, est du meilleur cru du conteur. Et la réflexion sur le rôle de Radio-Canada, puis de Télé-Métropole, de même que sur le pouvoir du petit écran aurait sa place dans notre petite histoire. De la « Forclusion », écrite en 1986, on retient ce que le chroniqueur, passé de l’autre côté des choses, découvre comme scénariste et feuilletoniste soumis aux contraintes techniques et financières de l’appareil télévisuel. L’exposition des problèmes que pose la transposition en images d’un texte romanesque mérite l’attention. Somme toute, l’introduction et la conclusion forment un beau cadre. Un beau cadre que ne saurait toutefois faire oublier le mauvais tableau, ni justifier le papier chic (Rolland Tint) qui lui sert de support.