On ne peut que s’enthousiasmer de l’initiative de Gallimard de rassembler dans un volume de la collection « Quarto » l’essentiel de la production (poétique, théâtrale, etc.) de Jean Tardieu. Cela permet de jeter un nouvel éclairage sur l’œuvre d’un écrivain français méconnu, auteur d’un recueil de proses au titre évocateur : La part de l’ombre.
Jean Tardieu a fait partie de la génération d’écrivains qui a traversé le XXe siècle, acteurs de la vie intellectuelle et artistique mais aussi témoins lucides des événements dont ils ont été les contemporains. Ceux qui ne connaissent guère Jean Tardieu seront sans doute surpris d’apprendre qu’il a côtoyé, entre autres, André Gide, Paul Valéry, Gaston Bachelard, Philippe Jaccottet, ainsi que des écrivains dont il a salué les débuts, comme Gérard Macé, qui signe la préface des Œuvres. On découvre également en Tardieu un observateur sagace et sensible. Dans une lettre à Roger Martin du Gard, par exemple, il dresse un bilan contrasté de la colonisation française en Indochine. Quelques années plus tard, à Paris, il partage avec Francis Ponge une même inquiétude face à la montée du fascisme et du nazisme en Europe : « Voilà, nous étions à l’écoute de notre époque, avec notre enthousiasme, notre bon sens, notre jeunesse, et puis le goût de la poésie, le plus proche du centre de notre pensée, du centre de nos vies ». Cette citation rend bien compte de l’état d’esprit de celui qui écrit, dans un petit texte intitulé « Introduction à la vie » : « J’avançais, à pas comptés, dans ce monde énigmatique et plein, où chaque apparence me posait une question ».
En mêlant intelligemment textes et documents (photographies, dessins, extraits de correspondance, etc.), selon un ordre chronologique, les responsables de l’imposant recueil que publie Gallimard nous permettent de découvrir la richesse et la diversité de l’œuvre de Jean Tardieu.>