Sous une couverture plutôt quelconque dorment quelques bijoux. Comme dans la présumée vraie vie, et comme dans cette histoire « d’un démon qui apparaît en forme de demoiselle », de Rosset, où les apparences jouent les tours que l’on imagine à trois messieurs en mal d’accouplement. Certaines des nouvelles réunies par Charbonneau et Ouellet, galantes ou historiques, facétieuses ou tragiques, auraient pu dormir encore un peu. Quelques autres valent la lecture.
Parmi elles, « L’histoire de l’amante invisible », de Scarron, tirée de son Roman comique. Le genre d’histoire bien racontée, un rien compliquée, dont on pressent pourtant qu’elle se terminera sur une évidence (mais laquelle ? – tout l’art du conteur est de nous la laisser imaginer jusqu’à la chute). Avec en prime, ici, cette autodérision à l’endroit du genre, sous forme d’intrusions de l’auteur, dans cette tradition perpétuée jusqu’à la mise en cause contemporaine de la narration elle-même : « Ils se dirent encore cent belles choses que je ne vous dirai point, parce que je ne les sais et que je n’ai garde de vous en composer d’autres ». C’est heureux que les compilateurs n’aient pas rajeuni le texte ni modernisé les jolies tournures. Pas trop encombrant, l’appareil de notes fourmille pourtant d’informations qui donnent le goût d’aller fouiller plus avant. Le tout est rédigé de telle manière qu’on n’y perd pas son moyen français. Autre bonne idée enfin, le glossaire et la vingtaine de pages d’extraits de textes théoriques et critiques sur la nouvelle du XVIIe siècle vue par des contemporains.
Les amateurs, éclairés ou non, y trouveront ainsi leur compte, découvrant ou redécouvrant certains classiques – « La Barbe bleue » ou « Le Petit Chaperon rouge » – en plus de se voir offrir des titres moins connus. Ce qu’on se racontait alors comme histoires dans la cour des Grands !