Le Second Empire agonise alors qu’agitations et émeutes populaires secouent la bourgeoisie, dont un baron de presse ruiné et un jeune mécanicien naïf qui rêve de faire fortune en Amérique. Pour se refaire une fortune, un chevalier d’industrie, Moïse Polydor Millaud, fonde un journal populaire, Le Petit journal, tandis que pour toucher l’argent qui lui permettra de réaliser son rêve, Jean-Baptiste Tropmann assassine les huit membres de la famille de son patron et présumé amant. Notre sang quotidien, qui porte en sous-titre « Le journaliste et l’assassin », raconte la rencontre de ces deux destins dans la France de 1869 et la présumée naissance de la presse à sensation.
Histoire de deux destinées, donc, ce livre pourrait tout aussi bien comporter la signature de Thomas Grimm puisque Alain Scoff évoque toutes les péripéties et les rebondissements de cette affaire à travers les articles de ce Thomas Grimm, nom de plume collectif des journalistes du Petit Journal.
Ces évocations forment la partie la plus savoureuse du livre puisque, par leur ton, elles nous mettent en prise directe sur l’époque. Quand Alain Scoff recrée le personnage de Polydor Millaud et fait les liens qui permettent d’introduire ces extraits, il convainc moins. Par contamination dirait-on, il tombe dans les travers du « feuilleton populaire ». Si l’on sourit aux procédés littéraires surannés de la presse du XIXe siècle, on est moins indulgent pour le contemporain qui use des mêmes stéréotypes et des mêmes raccourcis.
Bien qu’inspiré d’une histoire qui a marqué les annales judiciaires françaises, en inscrivant « récit » sous le titre de la couverture, l’auteur annonce clairement ses couleurs. Il ne prétend pas faire œuvre d’essayiste ou d’historien de la presse à sensation (qui n’est au fond que la presse sentimentale recyclée « gore »), bien qu’il en illustre bien le procédé : recours systématique aux détails scabreux, développements pléthoriques des à-côtés du sujet pour maintenir l’intérêt du lecteur, manipulation des sources quand celles-ci ne sont pas soudoyées, partialité flagrante dans le traitement des événements, prévalence de l’effet sur la véracité des faits, etc. Le genre a fait florès.
Le bouquin d’Alain Scoff, par ailleurs scénariste pour le cinéma et la télévision, ne constitue certes pas un sommet de la littérature, mais il se laisse lire avec un plaisir comparable à celui que l’on prend à regarder un téléroman pas trop con, par un soir de désœuvrement.