Bien qu’il s’agisse d’un premier roman, Noir destin que le mien a été très attendu. Étrange ? Pas du tout, lorsqu’on sait que le pseudonyme figurant sur la couverture en cache un autre, beaucoup plus connu : celui de Jean Leloup. Mais le jeu de faux noms ne s’arrête pas là. Une fois le livre ouvert, on apprend que « l’ouvrage de philosophie et d’agrément » est écrit, en fait, par Moktar Benabes. « Afin de parfaire le subterfuge, j’ai utilisé un pseudonyme et fait poser quelque étranger dans le besoin pour personnifier l’auteur. » Et le ton est donné : lucide, drôle, absurde, il est bien celui qu’on espérait y trouver. Le ton singulier de Jean Leloup… pardon, Leclerc.
Composé de deux parties – « Le Monde » et « Le Nouveau monde » -, cet « ouvrage de philosophie incroyable » se veut une satire grinçante sur la nature humaine (surtout dans la première partie) et sur la société d’aujourd’hui et son devenir. En décrivant le voyage qui l’a mené dans des contrées étranges, les rencontres avec des femmes qui l’ont enchanté puis déçu, les occupations dans lesquelles il trouvait le salut et ensuite rien que le vide, Massoud al-Rachid ridiculise la propension à se voir en victime, l’égoïsme, la vanité, la suffisance et tout cela – comme Leloup nous y avait déjà habitués – d’une façon intelligente, cinglante.
Ce qui cause peut-être le plus grand tort à ce roman, ce sont les comparaisons avec Candide de Voltaire : les lecteurs se prennent à rêver d’un chef-d’œuvre, et se trouvent désappointés. Car, même si c’est un texte très intéressant, Noir destin que le mien ne bouscule rien et ne peut prétendre au statut de livre-culte dont jouit Candide. Toutefois, il faut le dire, les attentes qu’on a face à l’autre, al-Rachid s’en moque, d’elles aussi…