Dédié tout simplement à l’eau, ce beau recueil est issu d’une amitié doublée d’une rupture entre deux « grands » de la culture québécoise. On sait que Guy Laliberté – fondateur du Cirque du Soleil – avait « commandé » à Claude Péloquin un texte sous forme de conte poétique sur cette ressource naturelle fondamentale qu’est l’eau : un message poétique universel pour conscientiser les gens en vue de la préservation de l’« Eau Vive » sur notre planète. Ce conte devait être lu par Laliberté à l’occasion de son « séjour touristique » dans l’espace l’automne dernier. Curieusement, Laliberté a décidé de confier ce travail à un autre auteur, car Péloquin devait céder ses droits d’auteur : pécuniaires, intellectuels et moraux. C’est donc sur Terre que Nipi – qui signifie eau en langue innue – sera lu. C’est dire que ces deux grands créateurs ne se rencontreront probablement plus jamais tant dans l’« ici-bas » que dans n’importe quel « ailleurs »… même si Pélo – dans la correspondance terminant ce beau livre – appelle Guy Laliberté son « ami », son « frère ». Disons qu’il n’était point nécessaire de se retrouver dans l’espace pour évaluer les effets sur la nature et sur la société du comportement souvent aberrant de l’être humain sur Terre.
Nipi représente l’alliance créative de l’acte poétique et de la réflexion écologique. L’inquiétude consécutive pour la Terre et ses réserves d’eau est transposée, magnifiée dans une belle langue poétique dans laquelle l’eau nous semble presque un personnage empreint d’altérité, de richesse mais, hélas, fragile comme tout ce qui est vie… Les astres et planètes ainsi que les animaux nous regardent agir avec cette ressource qu’est l’eau, lui parlent, la consolent de notre stupidité, avertissent l’« Eau Vive » qu’elle est en grand danger. Il y a un bel esprit dans cette façon de procéder avec une écriture sur fond de magnifiques photographies et d’illustrations – tout cela doublé d’un DVD incluant divers « récitants » dont, évidemment, Pélo. Et c’est François Turgeon qui en assure la direction artistique.
L’esprit de Péloquin reflète la simplicité et la puissance créatrice des vrais écrivains. Il nous parle de graves problèmes avec la vision quasi naïve de l’enfance en même temps que celle de l’adulte au fait des réalités de notre monde. « Eau Vive » nous dit : « Je me multiplie pour vous tous… / J’étais là à votre naissance / Je suis à vous et vous à moi ». C’est dire que la « grande aventure » de l’eau liée à l’aventure humaine se doit de devenir une « célébration pour l’éternité ».
« J’ai seul la clef de cette parade sauvage » a, un jour, écrit Rimbaud. Est-ce dire que la poésie l’emporte sur d’autres définitions de l’humain–’ celles, entre autres, à caractère scientifique comme l’écologie ? À tout le moins, l’acte poétique – avec l’œuvre de Claude Péloquin – montre-t-il sa beauté, sa pertinence en regard de notre présence au monde.