On nous promettait une histoire de sentiments, mais c’est plutôt d’un hommage posthume qu’il est question ici, la médaille de bravoure qui ne fut jamais donnée. Je ne sais si l’acte de Stanislas Déry est aussi héroïque qu’on l’affirme, mais il est certainement exemplaire : le 27 décembre 1944, le capitaine en second de la corvette canadienne le St. Thomas ordonne de repêcher les survivants d’un sous-marin qu’il vient de grenader. N’écoutant que sa conscience, Déry donne vêtements et nourriture aux sous-mariniers, commande à son équipage de les traiter comme des égaux, et va même jusqu’à partager sa cabine avec son homologue, l’Oberleutnant zur See Peter Heisig. Déry sera gentiment réprimandé par ses supérieurs pour avoir fraternisé avec l’ennemi. Ces naufragés, soit dit en passant, ne recevront pas le même traitement par les Britanniques une fois arrivés en Angleterre, ceux-ci ayant été directement touchés par les bombardements allemands, explique-t-on. Ainsi, en quelques jours, en quelques pages, une amitié éternelle s’est nouée entre Stanislas et Peter. Si rapidement ! Amitié il y eut, certes, des photos le démontrent, mais comment s’est-elle épanouie ? Comment deux ennemis en sont-ils arrivés à fraterniser ? C’est ce qu’on aurait aimé savoir. Les auteurs, au profit de l’objectivité, ont presque complètement évacué l’aspect psychologique. On glane ici et là des apparences de peurs, des apparences de lassitude dans les lettres de Déry, par exemple, mais tout est recouvert du verni de la rectitude politique. Linda Sinclair, historienne et ancien membre de la Réserve canadienne, et le journaliste et écrivain Jean-Louis Morgan ne lésinent toutefois pas sur les renseignements de type historique pour nous montrer ce que cette amitié avait d’inusité. Ceux-ci, très à propos et fort nuancés, forment les trois quarts du livre. On apprend que certains Allemands envoyaient des messages de détresse après avoir coulé des navires afin qu’on les retrouve, alors que des Alliés ont fusillé des survivants ennemis dans leurs canots ; les vainqueurs « fautifs » ne seront jamais traduits en justice. Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier des héros tels que Déry, mais on n’oublie pas de remettre certaines pendules à l’heure, de celles qui ne donnaient plus l’heure juste depuis plus de soixante ans.
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