Le premier des trois récits de Moscou-Québec se déroule en Autriche. En attendant la décision du ministère de l’Immigration du Canada, Olga et son fils observent un monde nouveau, territorialement proche, mais combien éloigné de la Russie. Dans un commissariat, où son fils essaie d’expliquer leur situation aux employés qui ne comprennent que quelques mots d’anglais, Olga fait la connaissance de deux sœurs, Hilda et Paula, et le texte – comme la vie des personnages principaux – tournera désormais autour de « ces petites vieilles de Vienne, un peu sévères, qui s’étaient montrées plus fortes que la haine qui divisait le monde ». C’est une histoire touchante, pleine d’humanité, de chaleur. Le lecteur se sépare à regret de ces femmes qui, malgré la perte d’êtres chers survenue dans le pays d’origine de la narratrice, savent lui offrir une amitié sincère.
Les deux textes qui suivent – bien que servis par le même style limpide, par le même souci des détails – s’avèrent un peu moins intéressants. Le regard critique que l’auteure pose sur la société russe et ses ressortissants ne se retrouve pas lorsqu’elle parle du Québec. Il est certain que les immigrants éprouvent de la gratitude envers la société qui les accueille mais on aurait voulu en savoir plus sur « l’amertume qui [l’]avait fait quitter [la] ville [de Québec] trois années plus tôt », on aurait aimé voir l’envers de la médaille car l’exil – même au Québec ! – n’est pas constitué uniquement de liberté, de beauté… L’image des nouveaux venus, tout comme celle de la Belle Province, aurait été plus complète, plus nuancée.
En dépit de cette réserve, Moscou-Québec se lit avec plaisir, et d’un seul trait. C’est dire le talent de conteuse d’Olga Boutenko qui réussit à faire de son lecteur un témoin, ou un participant, de son histoire.