Claude Corbo avait déjà dirigé en 2006 la publication de Monuments intellectuels québécois du XXe siècle, un ouvrage collectif traitant de 26 livres « remarquables par leur richesse et leur profondeur intrinsèques autant que par leur influence et leur fécondité », chacun constituant « une réussite exceptionnelle et exemplaire de l’intelligence et de la pensée en terre québécoise ». Il renouvelle aujourd’hui sa démarche en réunissant dans le même esprit des « monuments » s’étendant de la période de la Nouvelle-France (de la fondation de Québec en 1608 au traité de Paris de 1763) au « Québec ancien » (de 1763 à 1900). Il ne s’agit pas ici de rééditions de textes historiques mais, à nouveau, de la publication d’articles émanant de 26 spécialistes étudiant 27 « monuments » selon un même patron général où l’on traite systématiquement des origines et des conditions de la rédaction de l’œuvre, de sa substance et de son propos, de ses caractéristiques et de son destin après parution. Une présentation biographique de l’auteur et un choix bibliographique terminal encadrent ces articles, qui tiennent tous en une dizaine de pages chacun. Claude Corbo a eu l’heureuse idée de reproduire aussi la page de titre de l’édition originale de chaque livre retenu.
Relevant de disciplines différentes, le collectif forme un tout judicieux. L’on n’est pas surpris d’y retrouver d’abord des textes sur des œuvres canoniques de ce que l’histoire considère traditionnellement comme « les écrits de la Nouvelle-France » : ceux de Marc Lescarbot, de Samuel de Champlain, de Gabriel Sagard, du baron de Lahontan, de Joseph-François Lafiteau, de Pierre-François-Xavier de Charlevoix… On (re)découvre ensuite avec grand profit des auteurs méconnus, tombés dans l’oubli ou appartenant à des domaines disciplinaires peu souvent considérés : Cyprien Tanguay en généalogie, Léon Provancher en entomologie, Oscar Dunn et Sylva Clapin en linguistique, Edmond Lareau en droit, Léon Gérin en sociologie… Trois « monuments » ont été publiés en anglais : ceux de l’arpenteur-géomètre québécois Joseph Bouchette, du géologue montréalais William Edmond Logan et du médecin ontarien William Osler. Jérôme Demers a pour sa part rédigé en latin ses Institutiones philosophicae ad usum studiosae juventutis, premier manuel de philosophie publié au Bas-Canada (en 1835). Les articles évoquent au passage des pans significatifs de l’histoire de la société québécoise : le mode de publication des œuvres par souscription, la « guerre des éteignoirs », le crédit de Lamennais au Bas-Canada, l’affaire Joseph Guibord, l’ultramontanisme et la mission providentielle du peuple canadien-français, par exemple.
On pourra toujours interroger l’inclusion ou l’exclusion de certains « monuments » bien connus : en un tel domaine l’unanimité n’est guère possible, comme le juge à bon droit le présentateur. Tel quel, cependant, le collectif met en lumière des livres qui ont tous eu leur importance et leur qualité, en leur temps ou après la mort de leur auteur ; certains ont même eu une influence et une postérité notoires, ici comme en Europe : Lescarbot, Sagard, Charlevoix, Ernest Gagnon, William Osler, Joseph-Edmond Roy, etc., comme le mentionnent les collaborateurs, tous autorités en leur matière.
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