Le premier volet de la saga des Montferrand nous avait laissé sur notre soif. C’est au jeune Joseph que revenait la charge de défendre l’honneur du nom. En réalité, ce personnage étant entré dans la légende, ses exploits ayant fait l’objet de plus d’un ouvrage, on savait déjà ce que lui réservait la vie. On voulait simplement que son histoire nous soit contée par Paul Ohl et il l’a fait dans ce second volet auquel il a donné le sous-titre Un géant sur le pont. Comme dans le premier ouvrage, le souci du détail est époustouflant, mais il semble y avoir ici davantage de ruptures. On est tenu en haleine par le récit. Le personnage de Joseph Montferrand est de taille, au propre et au figuré. Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, l’image du héros en couverture : un dessin de W. N. Macdonnel annonce la couleur.
Ce géant, fort physiquement et moralement, qui a effectivement vécu au XIXe siècle, reprend vie dans toute son ampleur. Vrais ou imaginés, ses exploits nous passionnent. Il est de la trempe de ces hommes sans peur et sans reproches qui, comme leur honneur, défendent farouchement ce qui est juste. Ohl, admirablement, place le récit dans la grande histoire du Canada mais aussi dans la petite histoire, celle de la drave, celle de nouvelles communautés d’immigrants, celle aussi des travaux presque herculéens de la construction du canal Rideau. Bien entendu, on a affaire aux Anglais, à leurs souverains devenus depuis peu les nouveaux maîtres de ce territoire de l’autre côté de l’Atlantique. Ce territoire est donc une découverte pour ceux à qui en incombe la gestion et, pour eux aussi, c’est souvent un cauchemar de maîtriser ceux qui l’habitent en ayants droit : les Canadiens français. Joseph Montferrand était de ceux-là.
S’il est vrai qu’il a été soumis à toutes sortes de tribulations, il a eu le bénéfice de la fidélité à toute épreuve d’un Antoine Voyer, de l’équité du colonel Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, mais aussi et surtout des prières de sa mère qui avait nourri sa foi en Dieu et en la Vierge. Autant d’attitudes qui apportent aux justes quelques consolations.