Lire Roberto Bolaño, c’est ouvrir une toute petite porte. Le couloir sur lequel elle donne est froid et son obscurité est telle que l’imagination s’accorde toutes les libertés. Les contours du réel ne sont perceptibles qu’à tâtons. Une lumière parfois contribue à donner un semblant de familiarité au décor : une chambre en désordre, une rue parisienne maintes fois célébrée, un café. Mais l’aube ne tarde pas à faire place au soir et de nouveaux lieux, plus inquiétants, font ralentir le pas du marcheur. Ce marcheur se nomme Pierre Pain. On ne sait pas grand chose de lui sauf qu’il a quarante-deux ans, les poumons brûlés lors d’une guerre oubliée. Il aime madame Reynaud de vingt ans plus jeune que lui. Il est un adepte du mesmérisme, une science occulte qui guérit par l’oubli. On le suit. Il faut à l’espion-lecteur un peu plus que de la perspicacité pour déchiffrer le sens de cette errance ; au début, du moins, une certaine confiance en l’auteur. Ce dernier, dit-il lui-même dans la note préliminaire au roman, a été plusieurs fois récompensé pour son livre. Ce qui, soit dit en passant, est un peu agaçant quand la note s’étend sur deux pages. Quoi qu’il en soit, les nombreuses failles qui s’ouvrent sous nos pieds rendent d’abord le périple quelque peu fatigant. Monsieur Pain rêve abondamment, Monsieur Pain délire. L’on attend des pistes plus vraies. L’on se rend compte, peu à peu, que celles-ci sont les seules qu’il n’aura jamais. Et que l’on ne possédera jamais. L’on sort de ce labyrinthe comme Monsieur Pain, abasourdi. L’impression d’avoir reculé jusqu’en 1938, à l’époque où se passe le roman, mais littérairement. Je m’explique : dans les derniers moments du surréalisme. À l’époque où le roman social cherche à prendre le pas sur un imaginaire exubérant. En arrière-scène, la grisaille d’une France menacée, menaçante. Comme si elle exerçait encore son pouvoir oppressant sur l’écrivain qui cherche à la fuir, mais sans y arriver vraiment. Elle mine, semble-t-il, le moindre centimètre-cube de ses paysages asilaires. L’écrivain est pourtant né en 1953 et est d’origine chilienne. On dit qu’il était lui-même épris des sciences occultes
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