Le titre fabuleusement évocateur de ce recueil de dix nouvelles révèle déjà l’une des clefs de voûte du grand talent de Lori Saint-Martin : la capacité de dire les choses les plus horribles comme les plus belles en peu de mots, simples et justes. Un peu comme les enfants, me direz-vous ? Les enfants, justement, sont souvent les héros des univers féminins créés par Lori Saint-Martin. Dans la nouvelle qui baptise le recueil, une petite fille choisit de taire les quatre terribles mots qui la priveraient du père qu’elle aime malgré ses faiblesses ; dans « Coite sous la couette » et « Pur polyester », les fillettes ne manquent pas de verve pour décrire leur quotidien, en débordant parfois et se perdant dans les méandres des rimes ou entre deux dialectes.
Lori Saint-Martin nous entraîne en douceur, à mots feutrés, dans des destins où couvent les pires drames : vies d’adolescentes enceintes ou exploitées par de beaux parleurs, de femmes qui ont avorté ou en deuil de leur enfant. Malgré la lourdeur des sujets, le lecteur retiendra, y revenant encore et encore, l’évocation de l’arbre qui berce une petite fille douce, de ventres de grossesse portés comme des étendards, d’un avenir souriant pour une étudiante de dix-neuf ans qui veut conquérir le monde.
Un beau livre, en somme, où l’économie de mots garantit l’abondance d’émotions.