L’idée n’est pas nouvelle, inviter quinze écrivains, certains connus et d’autres pas, à écrire à partir, autour d’un thème commun. L’originalité dans le cas présent ‘ enfin parlons plutôt du trait particulier qu’évoque le titre, Meurtres exquis ‘ est de raviver une pratique d’écriture chère aux surréalistes en confiant l’écriture de chacun des chapitres de ce roman policier à un écrivain différent qui s’acquitte de sa tâche en prenant le relais là où l’a laissé son prédécesseur. Et comme pour mieux cligner de l’œil aux instigateurs d’une telle pratique, le point de départ de ce roman policier pour le moins désopilant, sauce irlandaise oblige, n’est autre qu’un cadavre et, à ses côtés, deux abrutis qui cherchent une façon élégante de se tirer du merdier dans lequel l’un d’eux vient de les plonger en actionnant un peu trop prestement la gâchette de son joujou.
Et dire qu’ils devaient s’en tenir à secouer ce pauvre type pour obtenir une banale information qu’ils auraient par la suite transmise à la charmante Mrs Bloom qui les commandite. Comme toujours dans ces cas-là, il y a celui de qui émane les idées lumineuses, et celui qui se charge de les faire exploser à la face même du petit génie. À preuve, pour masquer sa bévue, ce dernier propose de maquiller l’accident en crise cardiaque. Ce qui donne lieu à de savoureux dialogues, particulièrement lorsqu’ils émanent de la plume de Roddy Doyle :
« – Il a eu une crise cardiaque, insista Nestor.
– Ce qui explique ce trou qu’il a dans le coffre.
– C’était un accident.
– Tu crois que c’est pour lui annoncer ça que je vais être obligé de retourner la voir ? Tu le crois vraiment ?
– Il a agrippé sa poitrine.
– C’est moi qui vais t’agripper les couilles à la tenaille si tu parles encore de poitrine et de crise cardiaque. Répète après moi : ‘ Je lui ai tiré dessus ‘ ».
Et voilà le bal lancé. Chacun des écrivains invités s’évertuera à maintenir l’action et les dialogues dans ce flot intempestif et délirant qui caractérise la démarche de nombre d’auteurs irlandais.
Il n’est certes pas dénué d’intérêt de souligner que les écrivains qui ont participé à l’écriture de ce roman sont des sympathisants d’Amnistie internationale, et qu’en se procurant ce livre on contribue sans doute à faire en sorte que d’autres Nestor ne confondent mort naturelle et mort accidentelle dans les multiples prisons que compte notre bien petit monde.