Les amateurs du Moyen Âge ont bien de la chance. Depuis quelques années, les spécialistes ont entrepris de traduire les grands textes jusqu’alors réservés aux initiés à l’ancien français. Alexandre Micha, auteur d’une édition critique du texte et d’une magistrale étude de l’œuvre, nous propose une traduction de Merlin.
À l’origine, un barde breton du VIe siècle, devenu fou après une défaite particulièrement sanglante de son maître, se serait retiré en forêt. Son souvenir s’est conservé dans la tradition orale galloise. Le personnage réapparaît au milieu du XIIe siècle, d’abord dans des textes en vers latins, pour devenir, avec ce roman de Robert de Boron, un personnage central du monde arthurien et du cycle du graal.
Étrange personnage, fort mal connu ! Engendré par l’esprit du mal en une vierge, Merlin a été conçu comme « un être qui eût sa mémoire et son intelligence pour se jouer de Jésus-Christ ». Réplique négative, il partage avec son modèle de nombreux caractères. La longue élaboration du projet puis le méticuleux acharnement de Satan à damner la jeune fille de son choix rappelle la complexe généalogie du Christ et l’Annonciation. Enfant précoce, il tient tête aux prêtres et aux juges comme le Christ au Temple de Jérusalem. Il se montre plus avisé que les mages et résout pour le roi Vertigier l’énigme de la tour qui s’écroule à cause de la lutte souterraine de deux dragons.
Tour à tour enfant, beau seigneur, vieillard, tantôt fou tantôt sage, facétieux, il assiste de toute la force de sa magie les rois bretons en lutte contre lesSaxons. Il fait transporter d’énormes pierres d’Irlande et les fait dresser dans la plaine de Salisbury où sont morts de nombreux chevaliers.
Après avoir présidé à la naissance d’Arthur, en favorisant les amours illicites du roi Uter et d’lgerne, femme du duc de Tintagel, et confié son éducation au seigneur Antor, Merlin devient le principal conseiller du jeune roi. L’enfant ayant réussi à retirer l’épée fichée dans l’enclume, épreuve qui le désigne publiquement comme futur roi, Merlin l’aide à venir à bout des réticences des grands seigneurs, barons riches et puissants, et le fait sacrer à Logres.
Initiateur de la Table Ronde, véritable lien entre « l’époque apostolique » et « l’époque arthurienne », il lance les chevaliers à la quête du graal. Périodiquement, Merlin se retire dans la forêt de Northumberland auprès de l’ermite Blaise auquel il conte tous les événements que celui-ci consigne dans un livre et « c’est grâce à lui que nous en avons aujourd’hui connaissance ».
Le roman n’étant que partiellement conservé, quelques textes complémentaires donnent un aperçu de l’ensemble de l’itinéraire du personnage, entre autres le passage attendu des amours de Merlin et Viviane. Après avoir séduit l’enchanteur qui lui enseigne sa magie, celle-ci l’emprisonne dans une tour invisible en forêt de Brocéliande.
L’introduction, courte mais d’une érudition très dense, semblera peut-être un peu complexe au lecteur non averti. Le texte par contre, vivant, riche en aventures merveilleuses, parodiant parfois l’Évangile, plein d’humour, entrecoupé de nombreux dialogues, ne devrait pas manquer de séduire. Un grand texte authentiquement médiéval dont la lecture est absolument indispensable pour découvrir le personnage de Merlin.
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