Dans Mélodie du temps ordinaire, on plonge dans un monde où l’infortune et la disgrâce côtoient la peur et la honte. Marie Fermoyle, mère de trois enfants dont l’ivrogne de père revient parfois casser les carreaux ou forcer la porte, se dépêtre comme elle peut d’un mariage qui l’a laissée déçue et vulnérable. Proie facile pour Omar Duvall, fin observateur, beau parleur, maniganceur et manipulateur : « Duvall parlait aussi voracement qu’il mangeait, accumulant des montagnes de mots. »
Dans la petite ville d’Atkinson, Vermont, parmi une communauté de gens ordinaires, on verra évoluer une quinzaine de personnages au gré des événements. La vie de Marie Fermoyle, elle, s’articulera autour de l’arrivée de ce mystérieux personnage, dont seul le lecteur et Benjy, le plus jeune fils, connaissent le secret. Femme honnête et intègre, Marie glissera peu à peu dans un engrenage dont elle ne saisit pas vraiment l’ampleur. Ainsi sera-t-elle amenée à commettre des lâchetés qui lui donneront mauvaise conscience.
Bien que ce pavé de plus de 600 pages comporte des longueurs, on s’attache rapidement aux personnages un peu rustres et délinquants qui le peuplent. Riche en péripéties de toutes sortes, Mélodie du temps ordinaire dessine une fresque qui évoque l’atmosphère des années 60 chez l’oncle Sam. Une discordance néanmoins : il est étrange d’entendre dans la bouche de jeunes Américains : « Elle a deux putains de mômes ! » ; d’imaginer un mec qui « tient à peine sur ses guibolles » et un môme qui « se trisse » ! C’est l’inconvénient des traductions.
À lui seul, un mot permet de décrire l’atmosphère du roman : fragilité. Sous des airs de durs, les principaux personnages de Mary McGarry Morris sont des cœurs tendres en proie à l’impitoyable école de la vie. Chacun apprendra à ses dépens qu’on n’a jamais fini de faire ses classes…