Dans la première moitié des années 1980, l’ordre international découlant de la Seconde Guerre mondiale a commencé à s’effondrer, à la faveur de bouleversements politiques, économiques et technologiques. C’était la naissance de ce que nous appelons aujourd’hui la mondialisation : « […] le monde accomplissait ses premiers pas vers la libéralisation des finances internationales et des bourses de marchandises ».
En 1989, un autre changement aussi colossal qu’imprévu s’est produit : l’effondrement du communisme, en Europe de l’Est d’abord, puis en Union soviétique même. En Occident, c’était l’allégresse : on a cru que, la menace nucléaire disparue, le monde entrait dans une ère de prospérité et de paix. Mais on a vite déchanté. « Partout en Europe de l’Est, on découvrait que lorsqu’un pays s’effondre, la première victime écrasée sous les décombres, c’est le Droit. »
Misha Glenny était alors correspondant du Guardian et de la BBC en Europe centrale. Il a donc été témoin du morcellement de la Yougoslavie et de l’embrasement qui en a résulté. Il a pu constater que « [l]a guerre, les sanctions et la corruption dans les Balkans pendant la première moitié des années 1990 ont conduit les États de l’ancienne Yougoslavie à favoriser l’émergence de mafias auxquelles ils ont confié la logistique de l’effort militaire, et il n’a pas fallu longtemps avant que les criminels aient la main sur l’économie, le gouvernement et la guerre ». Au même moment, « [p]artout dans le monde surgissait un nouveau type de pays ‘ l’État défaillant ». Les organisations criminelles et terroristes ont su profiter de cette occasion favorable et du fait que les transferts de capitaux étaient rendus plus faciles par la mondialisation.
Au terme d’une enquête menée aux quatre coins du globe, Misha Glenny décrit leurs activités : pillage des ressources en Russie et en Afrique, trafic de drogue, de jeunes femmes et d’armes dans les Balkans, transport de clandestins à destination de l’Occident, fraude Internet nigériane, blanchiment d’argent à Dubaï, contrebande de l’or en Inde ; les exemples ne manquent pas.
McMafia se lit comme un roman policier ou d’espionnage, mais avec l’amertume de savoir que les victimes des activités décrites sont bien réelles.